Menu

Top actus

“Les étoiles vagabondes expansion” : notre analyse du deuxième projet surprise de Nekfeu

Nekfeu

Personne n’aurait été sincèrement capable de prédire l’arrivée inattendue du projet « Les étoiles vagabondes expansion ». Pourtant les théories quant au fait que « Les étoiles vagabondes » premier du nom soit en fin de compte un double album sont allées bon train. En effet, depuis la sortie du documentaire du Fennek à la suite duquel est sortie le projet, les réseaux s’étaient enflammés après la découverte du packaging plutôt énigmatique de la version physique. Ceux qui ont eu la curiosité de se la procurer ont ainsi pu remarquer qu’un élément troublant venait titiller leur curiosité. A savoir que dans la pochette était inclus un emplacement vide, destiné à insérer un deuxième CD. Au départ, il est vrai que tout ce remue-ménage ne représentait que des spéculations extravagantes auxquelles très peu de personne voulaient croire. En revanche, lorsqu’une affiche est apparue sur un panneau publicitaire près d’un Citadium à Paris avec pour inscription « Les étoiles vagabondes : expansion », les bruits de couloirs ont refait surface. Imaginez le taux d’excitation atteint par les fans du rappeur parisien lorsque ce dernier à entamer un compte à rebours sur YouTube dont l’issue tomberait à 18 heures précise.

 

Une fois que l’heure fatidique a fini par sonner, c’est finalement un clip inédit qui a vu le jour du nom de « Sous les nuages ». Un visuel futuriste emprunté à l’univers des jeux vidéo voir des séries fantastiques dans lequel Nekfeu kicke brutalement avec un flow digne de ses meilleurs bangers. Il est question dedans des apparences trompeuses créés par les Hommes pour éviter d’avoir à paraître vulnérable aux yeux d’un monde envahit par la cruauté. Même si ce titre a ravi les supporters de Ken, ce n’était évidemment que l’arbre qui cache la forêt, puisque l’immense surprise était la mise en ligne de 17 nouveaux morceaux sur toutes les plateformes. Venue agrémenter « Les étoiles vagabondes » en complétant une première version, cette fameuse « expansion » du projet a permis de relancer l’intérêt du public. Les premières réactions ne se sont bien sûr pas fait attendre une seule seconde, puisque beaucoup ont ainsi qualifié Nekfeu de « génie incontestable », faute de sa capacité à toujours surprendre sa fan base. Même ceux qui attendaient son retour avec impatience ayant peut être été tout juste convaincu par « Les étoiles vagabondes » se sont vus dans l’obligation de s’incliner devant ce rebondissement spectaculaire. Quoique chacun puisse penser de la qualité de cet album, tous les passionnés de rap s’accordent au minimum à reconnaître que cette stratégie est un coup de poker totalement réussi.

 

Pour entrer un peu plus dans le vif du sujet, concernant « Les étoiles vagabondes : expansion » plusieurs faits marquants sont à retenir. Le premier est assez clair puisque l’on s’aperçoit dès la première écoute qu’il s’agit d’un projet introspectif, qui nous ouvre une voie royale dans l’intimité des pensées les plus profondes de l’artiste. Le deuxième point essentiel à soulever est celui des thématiques, qui diffèrent pas mal en comparaison des 17 premiers morceaux dévoilés le 7 juin dernier. Ce qui vient en tête instinctivement, c’est le poids d’une relation douloureuse sur laquelle Nekfeu s’épanche à plusieurs reprises. Dans un titre comme « Rouge à lèvres » c’est avec une ambiance calme, renforcée par l’utilisation du piano qu’il évoque cet événement marquant qui lui trotte très souvent dans la tête. Un titre mélancolique comme « Energie sombre » est lui un condensé de toute la noirceur qui a élu domicile dans le cœur de l’artiste en proie au désarroi. Au bord du précipice, il est à deux doigts de sombrer à cause d’un amour déchu qui hante ses moindres songes.

 

Pour tenter d’oublier sa dulcinée, le Fennek lui rend hommage dans le morceau « Chanson d’amour ». On ressent toute l’émotion de l’artiste au travers de sa voix suave. Il tente de l’oublier pour ne pas tomber dans la névrose. Si Nekfeu souhaite être un « Nouvel Homme », c’est visiblement à cause de la culpabilité qu’il a ressenti à propos de certaines actions néfastes qu’il a commises. Il regrette amèrement dans ce titre que « les mômes » et « les personnes » âgés ne soit pas reconnus à leur juste valeur, alors qu’il estime que se sont bien souvent ceux qui prennent les décisions les plus réfléchis. Nekfeu évoque de nouveau cette femme pour qui il a tant souffert dans le morceau « De mes cendres » mais cette fois ci avec plus de douceur, à l’aide d’une instru chill sur laquelle sont déposées des paroles voluptueuses.

 

On assiste à une diversité des prods tout au long du projet, symbolique du fait qu’il a su mélanger différentes cultures grâce à ses voyages un peu partout dans le monde. Ce désir d’universalité est extrêmement perceptible. Il a aussi bien visité les Etats-Unis, que l’Angleterre comme le Japon. Cette identité japonaise est d’ailleurs très marquée, notamment dans un titre comme pour « Natsukhashii », dans lequel il se replonge dans l’adolescence avec un refrain langoureux, tout en racontant des anecdotes du passé. Autre élément concordant, le morceau « Kaneki Ken » qui est une référence direct au manga japonais « Tokyo Ghoul ». Un amour pour la culture asiatique qu’il cultive depuis le plus jeune âge puisqu’il cite également Vegeta de « Dragon Ball Z », ou encore le personnage fictif de « Zelda ». Même si « petit Ken a bien changé » son âme d’enfant n’en demeure pas moins enfoui en lui. Dans un style plus cloud, avec des sonorités planantes « Jeux vidéo et débats » témoigne que l’artiste à pris en maturité avec le temps, en réalisant la futilité de beaucoup de choses envers lesquelles il accordait trop d’importance.

 

Il se remémore avec nostalgie des souvenirs parisiens dans « Dernier Soupir », un titre rendu encore plus poignant grâce à la présence d’une chorale dont les chœurs en fond sonore donnent des frissons.  Dans « CDGLAXJFKHNDATH », Ken nous apprend que de “Panam à Bethléem” il est facile de savoir d’où il vient simplement à l’écoute du BPM (nombre de battements par minute). Grâce à la présence de 2zer, Mekhra, Framal, Alpha Wann, ou encore Doums il affirme une fois de plus sa volonté de rassembler ses partenaires du S-Crew, de 1995 et l’Entourage. Cet attachement envers les membres de son équipe, il le résume parfaitement dans « Interlude Filty » où il vante la qualité principale de chacun de ses acolytes qu’il aimerait avoir en sa possession. Si la plupart des gens agissent par mimétisme, c’est surtout parce qu’ils hésitent sans arrêt. L’homme est toujours scindé en deux au moment de prendre des décisions, ce que le lyriciste évoque subtilement avec « Oui et non ». Contrairement à la masse populaire, il souhaite conserver son indépendance d’esprit. L’impossibilité d’échapper au temps qui passe, et celle de se défaire de la mode qui paramètre toutes nos envies l’effraie. Les bavures policières sont désormais dans « L’air du temps » comme si elles étaient devenues d’une banalité sans nom. Une époque regrettable selon Ken, alors que la vie à pourtant une valeur inestimable. De son coté, il tente de relativiser sa peine depuis qu’il a ouvert les yeux sur ce qui se passe ailleurs. Face à misère du monde, il s’estime heureux de pouvoir tenir sur ses deux jambes et surtout de pouvoir vivre comme il l’entend.

 

« Ecrire » est une déclaration d’amour à sa plume, qui reste son plus grand allié. C’est certainement ce qui l’a d’ailleurs sauvé, en tant que passion dévorante. Par l’écriture, Nekfeu nous offre une retranscription de la réalité qu’il observe par des petites touches successives. Rechercher des rimes travaillées et jongler avec les mots est son terrain de jeu favori. C’est ainsi que l’on a droit à un véritable condensé de toute sa palette artistique dans un morceau qui prône le fait qu’au final chacun court à sa propre perte. « A la base » revient comme son nom l’indique aux origines de la création de ce projet, pour lequel les idées ont été foisonnantes dans sa tête avant qu’il ne finisse par se décider sur la trame générale qu’il allait suivre. Ken s’adresse directement à son public pour leur raconter ses débuts. En plein milieu du titre, il se permet même de changer plusieurs fois la prod pendant qu’il enregistre, avant de repartir sur celle qu’il avait choisi initialement. Une preuve irréfutable qui démontre son goût pour le perfectionnisme, lui qui participe activement à la conception de sa musique.

 

Nekfeu revient longuement sur son évolution, sa progression en opérant à un retour vers ses racines. La principale conclusion à tirer dans « Les étoiles vagabondes : expansion » est que « le flow est juste un ustensile » certes précieux, mais son rap est principalement un enrichissement de ses pensées par le style.

Autres actus