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313 : mixtape “Orgyia”, univers musical, esprit de groupe, la jeunesse actuelle, source d’inspiration et succès

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Le public vous a majoritairement découvert grâce au clip du morceau « Amour de jeunesse » qui compte plus de 4 millions de vues sur YouTube. Avec le recul, est-ce que vous attendiez un tel succès avec ce titre ?

Okko : En réalité pas vraiment, même si je dois avouer que Boken-Ka était plus confiant que nous. De base on avait réalisé une série de sons qui s’appelait « Fragment » dont « Amour de jeunesse » faisait parti. Au départ quand on l’a balancé c’était vraiment plus dans l’optique de se faire plaisir.

Blum : Au début c’était plus un morceau pour combler un vide et sortir des choses plus régulièrement. On s’attendait pas forcément à ce que le morceau pète même si Boken-ka de son coté savait qu’il avait un potentiel. Très honnêtement on ne s’attendait pas du tout à une telle éclosion, et pour ma part j’étais même le plus pessimiste au départ.

A la lecture des commentaires, on s’aperçoit de façon évidente que beaucoup de personnes se sont identifiées à vos paroles. Comprenez-vous que la retranscription d’un sentiment personnel puisse toucher autant de monde ?

Boken-Ka : Chacun s’approprie la musique en s’y projetant de manière très personnelle. Lorsque l’on parle d’amour et que l’on aborde en plus des sujets très pointus comme le rejet de la belle famille dans mon cas, forcément des gens se reconnaissent. Le fait d’incorporer de nombreux détails par rapport à un ressenti leur permet de se sentir compris parce qu’ils vivent parfois la même situation.

Okko : Le plus ironique avec les musiques d’amour est que plus on est précis sur un sujet, plus le public se sent concerné. Ce sont des situations qui arrivent régulièrement donc les gens comprennent beaucoup mieux le message que l’on souhaite faire passer.

Comment êtes-vous parvenus à uniformiser ce message, sachant que vous êtes trois personnalités à part entière avec des vécus à priori différents ?

Blum : Le refrain avait été écrit par Okko il y a environ deux ans. Il nous a servi de base pour construire le morceau. Par exemple Boken-Ka s’est concentré sur le rejet de la belle famille car cela fait écho à ses propres expériences. J’ai plus privilégié un côté « vie de bohème » en retranscrivant une histoire amoureuse dans laquelle les deux protagonistes n’ont pas forcément les moyens de vivre dans des conditions décentes malgré des sentiments partagés. Le thème général reste l’amour et la jeunesse, ce qui englobe diverses aspects. Sachant que le refrain partait d’une idée très générale, ça nous a aidé à garder la même ligne conductrice.

Le fait de garder une certaine cohérence dans votre discours est-il un aspect sur lequel vous travaillez particulièrement ?

Blum : Pour être honnête nous avions pour ambition de créer une identité 313 dès le départ. L’idée était de ne pas donner cette impression que chacun évoque un ressenti qui ne lui parle qu’à titre personnel, mais de fonder un véritable esprit de groupe. Cela n’empêche par contre aucun d’entre nous d’amener sa propre patte artistique.

Quelle est votre recette pour parvenir à créer cette alchimie ?

Boken-Ka : Okko et moi sommes frères, donc nous avons grandi avec la même culture musicale transmise par nos parents. Blum est originaire du même quartier, et nous avons par conséquent écouté le même type de musique. Cette proximité nous permet de développer certains automatismes qui au final font que l’on se dirigent plus facilement vers la même démarche artistique.

Blum : On a pas forcément de recette à proprement parlé. Cela relève plus d’une affinité qui s’est faite naturellement sans que l’on n’ai eu besoin de se forcer. L’immense majorité du temps, lorsque l’un de nous souligne un élément gênant, les autres ont le même avis. Nos visions respectives de la musique sont au final très complémentaires. C’est une chance pour nous que cela se fasse aussi instinctivement.

Le projet s’intitule « Orgyia », ce qui fait référence à un papillon de nuit. Est-ce pour le coté métaphorique que vous avez choisi ce nom ?

Bokken-Ka : La métaphore commence avec le nom du groupe 313. Lorsque l’on retourne le premier 3 , cela forme un papillon de façon abstraite. Il s’agit en quelque sorte de la mascotte qui représente le groupe. C’est aussi une référence à la dimension éphémère du milieu musicale, où tout peut s’arrêter du jour au lendemain. On voulait également apporter ce côté « effet papillon » que l’on retrouve dans nos paroles qui ont le plus souvent une répercussion direct sur le public.

A la base, le terme « Orgyia » est un nom composé qui se réfère à « Orgyia Antiqua » car le projet est en deux parties. Cette deuxième partie nommé « Antiqua » étant prévu pour plus tard. La cover est aussi un clin d’œil à tout cela puisqu’elle représente une étoile et que le surnom de ce papillon est « l’étoilé ». Tout ceci s’inscrit dans une continuité métaphorique à laquelle on a réfléchis au préalable.

N’avez-vous pas peur de vous enfermer dans une case trop précise avec ce choix ?

Bokken-Ka : En réalité ce ne sont que deux premiers projets. On considère uniquement cet album (ou plutôt cette mixtape) comme la réunion de tous les titres les plus aboutis que nous avions à notre disposition, mais surtout ceux qu’il était le plus judicieux d’associer.

Blum : L’idée du papillon est un élément à développer sur lequel on pourra s’appuyer dans le futur. En revanche, cela ne nous ferme aucune porte vis-à-vis de nos futurs projets.

Okko : Chacun de nos projets seront indépendants par rapport aux suivants, donc cela ne réduira en rien notre œuvre uniquement à cela. Comme ce « papillon » fait référence aux origines même du groupe, c’était simplement intéressant d’orienter la direction artistique dans cette voie.

Dans l’ensemble, ce projet combine une atmosphère plutôt « planante » à des paroles assez crues et terre à terre. Pourquoi avoir opté pour ce contraste entre la légèreté des sonorités et la dureté des textes ?

Blum : Je pense que dans un sens cela s’est fait naturellement. A la base on aime surtout le rap underground sachant que c’est ce qu’on sait faire le mieux. C’est justement de là qu’est venu cette volonté de sortir de notre zone de confort en s’ouvrant à des univers différents. Le défi était de trouver un équilibre entre le coté mélodieux et des paroles qui nous semblent censées, tout en produisant un contenu « digeste » pour le public. Quelque part on voulait trouver le juste milieu entre la musicalité d’une part, mais aussi le sens.

On ressent un coté presque onirique dans votre musique, comme si vous nous emmeniez presque dans un voyage spatio-temporel n’est-ce pas ?

Blum : C’est une volonté dans le sens où les ambiances ont été travaillées avec une reverbe particulière. Cela nous a permis de créer un effet « très grande pièce » afin d’obtenir une musique qui remplit l’espace. Par rapport à nos goûts personnels, nous voulions tous que les morceaux sonnent de cette manière. Ce ressenti que peuvent avoir les auditeurs de voyager dans le temps résulte en grande partie de ce choix.

L’ambiance générale de cet album est vraiment sombre, voire fatalisme par moment. Est-ce une direction artistique vers laquelle le groupe s’est dirigé de façon instinctive ?

Bokken-Ka : C’est vrai que l’on a cette façon de chanter nos musiques de manière très mélancolique en y mettant beaucoup d’émotion. En réalité c’est surtout une direction artistique qui reflète parfaitement nos personnalités.

Blum : En tant que parisiens pure souche, on a tendance par définition à toujours être un peu déprimé. Le fait d’être connecté en permanence nous fait réaliser qu’énormément de choses ne vont pas, ce qui nous impacte à la fois intellectuellement mais surtout émotionnellement. A terme, cela se retrouve forcément dans ce que l’on propose. D’un autre côté, on essaye de proposer des morceaux comme « Ombre » ou encore « Rockstar » qui prennent le contre-pieds de cette tendance mélancolique. Cela permet de se faire violence afin d’offrir d’autres palettes de couleurs.

Vous vous décrivez à plusieurs reprises comme égarés, en manque de repères et de perspectives. Avez-vous le sentiment qu’il s’agisse d’un constat général pour la jeunesse actuelle ?

Blum : Clairement ! Ce sentiment que l’on va droit dans le mur est assez évident. C’est d’ailleurs de moins en moins le cas uniquement pour la jeunesse puisque les générations antérieures le ressente également. Je pense que globalement chacun commence à réaliser que l’adage « tout durera éternellement » n’est qu’un mythe. Avec notre musique, nous essayons justement de traduire le fait que malgré ce contexte défavorable, il va falloir composer avec ce qui est à notre disposition.

Dans le titre « Inferno » vous déclarez : « un verre de plus et je finis dans le fossé ». Diriez-vous que cette génération assez paradoxale notamment dans son comportement est plutôt incomprise ou incompréhensible ?

Blum : Je ne pense pas que la jeunesse soit incompréhensible. Maintenant incomprise peut-être un peu, dans le sens où les nouveaux outils comme les Smartphones ou Internet nous isolent par rapport à la génération précédente. Il est vrai qu’aujourd’hui la tendance à se faire du mal en adoptant un comportement autodestructeur se généralise, sans doute pour atténuer les douleurs du quotidien. Notre but est justement de démontrer que malgré un contexte qui manque de clarté ou l’absence d’une porte de sortie évidente, chacun se doit de garder un état d’esprit positif.

Est-il devenu plus facile d’exprimer son ressenti par écrit de nos jours, du fait notamment de l’avènement du numérique ?

Blum : Bien évidemment. Pour vous donner un exemple qui explicitera ma pensée, je vais citer Bertrand Périer (avocat et spécialise de l’art oratoire). Il expliquait récemment qu’avec l’écriture, nous disposons d’un temps de réflexion infini pour trouver la meilleure formulation possible. Ce dernier n’existe pas à l’oral qui obéit à une logique d’instantanéité empêchant toute prise de recul.

Tout comme la MZ ou encore Lomepal, vous venez du 13ème arrondissement de Paris. Ce sont des parcours qui vous inspirent ?

Bokken-ka : Leur parcours est admirable. Ils ne font pas forcément partie de nos inspirations musicales même si nous respectons énormément le travail de la MZ. J’ai plus de mal à m’identifier à Lomepal qui n’a jamais vraiment revendiqué son appartenance au 13ème. Je dirais que son parcours est plus inspirant en tant qu’artiste et non pas en tant que personne qui vient du 13. A la rigueur si je dois citer des artistes qui représentent notre lieu de provenance, je parlerais plus d’un Aladin 135 ou bien Falcko.

Blum : J’estime que le parcours de Lomepal est assez spécial car on sait qu’il a beaucoup cravaché pour en arriver là. Bien sûr que l’on ne peut être qu’admiratif de ses accomplissements même si j’espère ne pas avoir à connaitre une trajectoire autant semés d’embûches que la sienne.

Votre musique est marquée par des paroles assez revendicatrices. Est-ce que ce serait une fierté de devenir un jour une source d’inspiration ?

Okko : Pour être honnête, totalement. La première fois que j’ai écrit un texte, j’avais des choses à raconter et surtout je voulais qu’elle soient entendus. Et puis on ne va pas se mentir, cela permet aussi d’avoir un certain sentiment de reconnaissance lorsque des personnes te prennent pour exemple. Je ne prétends pas que nous sommes parfait loin de là, mais je considère que nous avons tout de même des réflexions intéressantes à apporter.

Blum : C’est toujours un peu la maladie des artistes en fin de compte. Tu as toujours envie que ta parole soit plus écoutée que celle des autres. C’est même la raison pour laquelle on rend cette parole plus agréable à écouter au travers de la musique. Le but au long terme est de servir d’inspiration pour d’autres personnes. C’est une satisfaction pour un artiste d’obtenir l’attention d’une audience particulière.

Sachant que l’on est entré dans une logique de segmentation du public, est-ce que vous cherchez à viser un profil type ?

Bokken-ka : On ne calibre pas forcément notre musique pour plaire à une communauté ou un groupe de personnes en particulier. Concernant notre fan base, on se base uniquement sur les statistiques YouTube et Instagram que nous avons sous les mains pour établir un éventail des profils qui nous écoute. Je pense qu’à l’heure actuelle nous sommes sur du 50/50 entre hommes et femmes. Après forcément un morceau comme « Amour de jeunesse » a plus touché les filles par exemple, mais cela se rééquilibre avec un titre comme « Seul » qui plait davantage à un public masculin.

Blum : L’idée est de viser le plus de personnes possible. Si je devais dresser un archétype, je dirais que pour le moment notre public est très parisien et en général très citadin. On le retrouve beaucoup dans les grandes villes comme Lyon, et même à l’étranger comme en Belgique ou en Suisse. On s’adresse majoritairement à des auditeurs lambda qui peuvent écouter tout type de musique. Ceci nous permet d’être parlant aussi bien pour un mec de quartier que pour un bourgeois qui vit dans sa bulle, au même titre qu’un provincial.

Justement quels ont été pour le moment les retours de la part de votre public quant à ce projet ?

Okko : Dans l’ensemble les retours sont très positifs. On a même reçu plusieurs messages de soutien, avec des gens qui nous disait que notre musique les avaient quelque peu aidé à mieux traverser une période de déprime.

Blum : Globalement on est content de voir que le projet dans son entièreté a su trouver son public. On a également eu droit à des messages plus personnels, ce qui fait toujours plaisir.

On sait qu’il existe un titre qui s’appelle « Rockstar » sur cet album. Quel effet est-ce que cela vous ferait d’un jour atteindre ce statut ?

Bokken-ka : Je verrais cela comme un aboutissement, presque un juste retour des choses au vu de tous les sacrifices que cela implique. Je le vivrais aussi comme une consécration par rapport à tout ce qui a été entreprit pour y parvenir. Je crois que c’est surtout un sentiment de reconnaissance immense qui m’habiterait.

Blum : A titre personnel je sais que ça me ferait un peu flipper. L’hypothèse d’atteindre un jour la notoriété d’un Lomepal ou même de la MZ lorsqu’ils étaient à leur apogée me fait un peu peur en réalité. C’est compliqué de savoir comment tu peux réagir. D’un coté on en a tous envie mais en même temps il faut aussi se demander si l’on parviendra à garder les pieds sur terre, avoir la tête froide.

Lomepal a d’ailleurs très récemment exprimé son envie de quitter le devant de la scène pendant un temps afin de se ressourcer, vous comprenez ce choix ?

Okko : En vérité la musique est une source énorme de stress. Quand on sort nos clips ou bien même lorsque l’on a sorti le projet, l’inquiétude était énorme. Même si à notre niveau la pression se fait moins ressentir, on a totalement conscience que si demain on atteint son statut la pression sera énorme.

Vous seriez prêts à la gérer en permanence ?

Okko : C’est extrêmement compliqué de vous répondre sur le moment. Sincèrement actuellement je ne pense même pas. En tout cas une chose est sûre, c’est que l’on devrait être très bien entourés.

Bokken-ka : Dans tous les cas c’est le jeu. Cette situation est valable depuis des années, et tout le monde l’accepte. Lorsque tu ne vis pas dans ce contexte, tu rêves d’y avoir accès, mais à partir du moment où tu mets les pieds dans cet univers, tu ferais n’importe quoi pour t’en échapper même un court instant. Après il est évident que chaque individu gère la chose un peu à sa manière.

Blum : Je crois qu’on pourrait donner l’impression que l’on gère la situation uniquement en façade. Après probablement qu’avec le temps cela deviendrait moins pesant avec l’habitude. Humainement je ne suis même pas sûr que quiconque puisse être conditionner à encaisser l’admiration de 15 000 personnes dans une salle par exemple. D’un point de vue extérieure, tout le monde envie la gloire dont jouissent certains artistes mais personne ne se demande réellement ce que cela leur coûte en contrepartie.

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