Coelho vous fait pénétrer dans son univers avec un premier EP intitulé “Odyssée”

C’est sans doute l’une des personnalités sur laquelle il faudra compter dans les années à venir au niveau du rap français. Le rappeur en provenance de Nantes bénéficie d’ailleurs du soutien sans faille d’un certain Tunisiano, figure majeure de la musique urbaine disposant d’une grande expérience. Partant de cette base, Coelho possède alors un atout indéniable dans sa manche pour effectuer des débuts fracassants dans le game. Il lui reste désormais à faire fructifier son immense talent, afin de perdurer dans le temps mais surtout conquérir un public qui sera friand de sa musique à part entière. Commençons ainsi avec le clip éponyme de son projet “Odysée” sorti aujourd’hui dans lequel on l’aperçoit au contact de la nature, à la merci des éléments.

Vêtu d’une veste et d’un pantalon de costard, l’artiste déambule dans un décor champêtre avec un revolver à la main. Lui-même estime être une bombe à retardement, prête à exploser à la moindre contrariété à l’image d’une “allumette dans un bidon d’essence“. Même lorsque son heure viendra, Coelho n’aura aucun regret à partir du moment où sa passion pour le rap est parvenue à lui apporter un sentiment de quiétude. Il avance à pas de loup sur un chemin sinueux, tout en doutant lui même de ses propres actions par moment.

Revenons en maintenant à cet EP composé de 10 titres, à commencer par le morceau “Vie est bonne” dans lequel il décrit les déboires d’une jeunesse vivant la plupart du temps dans le déni. Dans un monde essentiellement régit par l’argent, il résume le rôle des êtres humains à celui de simple “pantins” destinés à obéir à des schémas de fonctionnement similaires.

Si les forts dominent les faibles sans partage avec suprématie, le rappeur nantais s’autorise à s’affranchir de ce précepte en rêvant plus grand. Paradoxalement, chacun de nous prend plaisir à se détruire, ce qui ronge d’ailleurs bon nombre de personnes en leur fort intérieur. Avec le titre “Moncler“, Coelho bascule dans un style très aérien, le tout sur une prod apaisante pour opérer à une critique non dissimulée des faux semblants.

Il se souvient de l’innocence de son propre regard d’enfant, alors même que notre génération ne vit plus qu’au travers des réseaux sociaux, employés comme moyen de communication privilégié. Le son “Liqueur” apporte une dimension mystique au projet avec notamment l’insertion de voix étranges au niveau de l’instrumentale. Cela donne la sensation d’assister à une soirée arrosée, ce qui est rendu encore plus plausible par ce flow assez lent. Il exprime un besoin de solitude exacerbé tout en affichant une certaine arrogance volontairement assumée.

Alors que l’immense majorité des gens sont en recherche permanente de pouvoir afin d’exercer une domination sur l’autre, ses critères sont quelque peu différents puisque l’artiste milite pour une société au mérite. Dans son élan de réflexion, il se demande même au passage si le fait de ressasser ne constitue pas uniquement une perte de temps non négligeable. “Murciélago” est pour sa part un banger aux basses puissantes apportant un constat à la fois lucide et amer sur les conditions dans lesquelles se trouve notre monde qui fait passer les humains “du rire aux larmes” en un éclair.

Pour évacuer toute cette frustration accumulée, le MC relâche la pression dans un refrain intense. Passons au seul featuring du projet avec le morceau “Excuse moi” en compagnie de Gab dont la douceur vocale est agréable à l’oreille. Les deux protagonistes s’excusent pour les fautes qu’ils ont commises.

Ce qui ne les empêche pas en revanche d’avancer selon leurs propres règles, en ne portant pas attention à l’avis des bien pensants. Le titre “Yeyo” que nous vous présentions récemment possédant des influences pop évidentes vous procurera à coup sûr de vives émotions. Il décrit un quotidien de débauche, rongé par la lassitude face à la fuite du temps derrière lequel chacun cours en vain. Si beaucoup de choses fonctionnent à l’envers, le rappeur du 44 ne s’exclut pas de cette thèse malheureusement véridique, lui qui agit souvent de manière contradictoire.

Le flow utilisé dans “Jour de paix” est d’une précision chirurgicale, ce qui confirme ses qualités en termes d’interprétation. La prod nous propulse directement dans une ambiance particulière pour un morceau à l’aspect quasiment solennel qui transportera l’auditeur au cœur d’une parenthèse unique en son genre. La voix de Coelho fera frissonner les moins émotifs tant son émotion est perceptible. Il estime ne pas être fait pour les études mais ne compte pas pour autant sur la chance pour s’en sortir. En dépit d’un jugement ultra sévère à son égard, une énorme confiance en lui se dégage du titre, comme de l’EP dans son ensemble d’ailleurs.

“Jammin” vous emporte dans une autre dimension. A partir du moment où “les zéros s’alignent”, l’artiste a pu constater que les conflits se règlent bien plus rapidement. Si les perspectives d’avenir semblent bouchées dans de nombreux domaines d’activité, Coelho préfère se tenir pour responsable de ses échecs comme ses succès pour ne pas se chercher d’excuses. D’autant plus qu’il a toute la vie devant lui pour parvenir à ses fins. Le projet referme ses portes sur une note d’incertitude avec le son “Appartement”.

Le rappeur en herbe se projette d’ores et déjà dans un rôle hypothétique de père lorsque la maturité ce sera totalement emparée de lui. Il aborde plusieurs thématiques comme la jalousie envers la réussite des autres, sa méfiance permanente ou le manque criant de confiance en soi. Pour résumer, Coelho c’est un peu ce genre de métamorphe, capable de s’adapter à tous les registres. Il a compris comment utiliser les différentes tessitures de sa voix afin de procurer une couleur originale à chaque titre, notamment en n’hésitant pas à explorer l’entièreté du répertoire vocale à sa disposition.

La diversité des influences musicales présentes offre une multitude de possibilités pour établir les contours de son oeuvre. Cela augure de très belles promesses pour la suite des événements, lui qui devrait parfaire son style avec le temps. Débiter à toute allure tout comme apporter un rythme beaucoup plus posé font également partie de ses aptitudes. Le rappeur Nantais se présente à nous comme un anti-héros, auquel on finit tout de même par s’attacher. Principalement parce que’il dispose d’une grande richesse intellectuelle lui permettant de nourrir des raisonnements poussés, mais surtout révélatrice des vices de notre société.

Il se prend souvent en exemple pour décrire la médiocrité et les bassesses des Hommes de manière générale, mais ce qui le différencie de la masse populaire est sans doute cette détermination à toute épreuve. Et si ce n’est pas grâce à ses exploits en cours que l’artiste parviendra à accomplir sa destinée, c’est sûrement par son immense culture dans diverses domaines (l’univers cinématographique en tête) que cela arrivera.