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La lettre poignante de Luc Besson à son “frère musulman” : «Aujourd’hui, mon frère, je pleure avec toi»

Luc Besson

Luc Besson

Suite à l’attentat à Charlie Hebdo, à l’assassinat d’une policière municipale et à la prise d’otages meurtrière à Porte de Vincennes , Luc Besson a rédigé une lettre ouverte publiée dans le journal Le Monde. Intitulée Réparons l’injustice faite à la jeunesse il s’adresse à son frère musulman, à la jeunesse des banlieues et aux puissants.

 

Selon lui, ces derniers doivent aider cette jeunesse «humiliée» à s’intégrer dans la société. De plus, il appelle cette même jeunesse  à prendre «son destin» en main. «Comment changer cette société qu’on te propose ? En bossant, en étudiant, en prenant un crayon plutôt qu’une kalach’. La démocratie a ça de bien qu’elle t’offre des outils nobles pour te défendre» avance t-il notamment.

 

A l’heure où beaucoup de voix s’élèvent pour un meilleur suivi des individus à risques qui pourraient commettre des attentats, pour le réalisateur le problème doit être traité en amont. Avant l’embrigadement par des groupes ou prédicateurs extrémistes. Au sujet des trois terroristes, Chérif KouachiSaid Kouachi et Ahmedy Coulibaly il déclare : «Ce n’était tout au plus que deux faibles d’esprit, abandonnés par la société puis abusés par un prédicateur qui leur a vendu l’éternité». Ce texte poignant a été salué par de nombreuses personnalités publiques telles que  Mouloud Achour, Omar Sy, Edwy Plenel, Laurent Bouneau.

 

La lettre de Luc Besson

 

Mon frère, si tu savais combien j’ai mal pour toi aujourd’hui, toi et ta belle religion ainsi souillée, humiliée, montrée du doigt. Oubliés ta force, ton énergie, ton humour, ton cœur, ta fraternité. C’est injuste et l’on va ensemble réparer cette injustice. On est des millions à t’aimer et on va tous t’aider. Commençons par le commencement. Quelle est la société que l’on te propose ?

 

Basée sur l’argent, le profit, la ségrégation, le racisme. Dans certaines banlieues, le chômage des moins de 25 ans atteint 50 %. On t’écarte pour ta couleur ou ton prénom. On te contrôle dix fois par jour, on t’entasse dans des barres d’immeubles et personne ne te représente. Qui peut vivre et s’épanouir dans de telles conditions ?

 

On fait passer le profit avant toute chose. On coupe et vend le bois du pommier, et après, on s’étonne de ne plus avoir de fruits. Le vrai problème est là, et c’est à nous tous de le résoudre.

 

J’en appelle aux puissants, aux grands patrons, à tous les dirigeants. Aidez cette jeunesse, humiliée, qui ne demande qu’à faire partie de la société. L’économie est au service de l’homme et non pas l’inverse. Faire du bien est le plus beau des profits. Chers puissants, vous avez des enfants ? Vous les aimez ? Que voulez-vous leur laisser ? Du pognon ? Pourquoi pas un monde plus juste ? C’est ce qui rendrait vos enfants les plus fiers de vous.

 

On ne peut pas construire son bonheur sur le malheur des autres. Ce n’est ni chrétien, ni juif, ni musulman. C’est juste égoïste, et ça entraîne notre société et notre planète droit dans le mur. Voilà le travail que nous avons à faire dès aujourd’hui pour honorer nos morts.

 

Et toi mon frère, tu as aussi du boulot. Comment changer cette société qu’on te propose ? En bossant, en étudiant, en prenant un crayon plutôt qu’une kalachnikov. La démocratie a ça de bien qu’elle t’offre des outils nobles pour te défendre. Prends ton destin en main, prends le pouvoir.

 

Ça coûte 250 euros d’acheter une kalachnikov mais à peine 3 euros pour acheter un stylo, et ta réponse peut avoir mille fois plus d’impact. Prends le pouvoir et joue avec les règles.

 

Prends le pouvoir démocratiquement, aide tous tes frères. Le terrorisme ne gagnera jamais. L’histoire est là pour le prouver. Et la belle image du martyr marche dans les deux sens. Aujourd’hui il y a mille Cabu et mille Wolinski qui viennent de naître.

 

Prends le pouvoir, et ne laisse personne prendre le pouvoir sur toi. Si les présumés coupables de cette tragédie le sont vraiment, sache que ces deux frères sanglants d’aujourd’hui ne sont pas les tiens, et nous le savons tous.

 

Ce ne serait tout au plus que deux faibles d’esprit, abandonnés par la société puis abusés par un prédicateur qui leur a vendu l’éternité… Les prédicateurs radicaux qui font leur business et jouent de ton malheur n’ont aucune bonne intention. Ils se servent de ta religion à leur seul avantage. C’est leur business, leur petite entreprise. Demain, mon frère, nous serons plus forts, plus liés, plus solidaires. Je te le promets. Mais aujourd’hui, mon frère, je pleure avec toi.

 


Luc Besson

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