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Ice Crimi : Scoop #1, son alter ego musical, ses influences, la nouvelle génération

Ice Crimi

On t’a connu en tant que S-Pi, puis Ice en 2018 et désormais Ice Crimi à l’occasion de la sortie du projet « Scoop #1 », pourquoi avoir changé de nom de scène aussi fréquemment ? 

J’ai toujours eu plusieurs alias durant ma carrière. Je suis arrivé dans le game en tant que S-Pi, petit nouveau qui sort fraîchement du quartier et qui vient faire ses dents. Dès que j’ai commencé à me faire connaître, je lâchais mes différents surnoms dans mes morceaux et j’ai remarqué qu’on m’appelait presque plus souvent Ice Crimi que S-Pi. Je me suis donc dit récemment que c’était le bon moment pour donner une carrière à Ice et que S-Pi avait fait son temps.

C’est une manière pour toi de montrer que tu prends une nouvelle direction artistique, que tu renais sous une autre forme comme si tu « tuais » ton personnage précédent ? 

C’est un peu ça. S-Pi et Ice Crimi ne peuvent pas exister ensemble et je dois donc en éliminer un. En changeant de nom, je change aussi de trajectoire. Quand j’ai sorti en 2017 mon album “Alter-Ego” en tant que “Ice”, j’étais encore en train de me chercher. Je sentais que je n’étais pas encore arrivé au bout de ce que je voulais faire en terme de développement artistique et de méthodologie de travail. Tout cela a fait parti d’un processus qui m’a permis d’arriver à maturité et de sortir cette année “Scoop #1”, un projet dont je suis très fier, en me faisant appeler Ice Crimi.

Tu n’as pas peur que certains de tes fans soient perturbés par ces changements ?

Ils ont l’air de s’y retrouver pour l’instant mais promis, à partir de maintenant, c’est Ice Crimi et ça ne bouge plus. Mes fans me reconnaissent car j’ai toujours gardé la matière première de ma musique, mon côté très “punchy”. J’ai toujours été un gros kickeur et c’est ce qui a fait ma renommée, notamment à l’époque sur Skyrock, où j’ai pu montrer que je n’avais rien à envier aux autre rappeurs sur ce point là. Je n’ oublie pas de m’adapter aux nouveaux codes du rap actuel, mais je conserve cette base qui fait partie intégrante de mon identité.

Tu reviens aujourd’hui avec « Scoop #1 », un projet très percutant dans les paroles comme dans les différents flows utilisés comme on peut l’entendre dans le titre « Mâle Alpha » ou « Khabib » par exemple. Tu considères avoir encore des choses à prouver après plus de 15 ans dans le « game » ? 

Complètement. J’ai fait une pause de presque un an et demi dans la musique avant de sortir “Scoop #1” mais je n’ai jamais pensé à arrêter. Je considère que je ne suis pas allé au bout de ce que je peux faire et j’ai encore des choses à dire ! Quand je suis revenu en studio après cette longue absence, le premier morceau que j’ai enregistré a été “Mâle Alpha”. Ça se ressent certainement dans le son, j’étais gonflé à bloc.

Cette ambiance très “street” se ressent jusque dans le design de la pochette. Au premier abord, on se dit que c’est une cover très « chaleureuse » avec des dessins presque « cartoon », des couleurs très vives et une belle glace qui fait saliver au milieu de tout ça…

Mais si on observe bien, on voit une arme, un homme cagoulé, des liasses de billets… Tout cela constitue mon univers. Mon équipe et moi avons décidé de le ramener d’une manière plus “funky” et le contraste est intéressant. On essaie de trouver de nouveaux concepts. Par exemple, à l’occasion de la sortie de l’album, on a offert des glaces gratuites à Paris pendant une journée pour promouvoir le projet et faire plaisir aux passants !

Ice Crimi

Tu dis dans le titre « Khabib » : « La guerre continue, j’suis du 94 comme Kery ». La musique est comme un combat perpétuel pour toi ? 

Ça ne s’arrête jamais. Je m’en rend encore plus compte maintenant. Quand on est jeune, on se dit qu’on arrêtera sa carrière à un certain âge, qu’il faudra passer à autre chose mais ce n’est pas le cas. Si ton coeur bat vraiment pour ta musique et tant que tu as encore des choses à dire, tu ne peux pas t’arrêter. On se remet toujours en question, on essaie constamment de s’adapter aux nouvelles modes et c’est une vraie passion. Les artistes comme Jay Z ou Booba en sont des preuves vivantes et sont des exemples de longévité.

Tu viens du 94 et on t’entend citer Kery James dans la punchline précédente.  Des groupes comme Idéal J ou la Mafia K1 Fry ont été tes plus grandes influences en matière de rap ?

On vient du même département donc bien sûr qu’ils m’ont influencé. Les mecs du 94 sont réputés pour avoir une mentalité particulière et les grands noms ont montré le chemin. Mais, en terme de musique, j’ai plus été influencé par Marseille et la Fonky Family notamment.

Cette manière de rapper, de s’acharner sur les prods en enchaînant les punchlines, c’est le style que tu préfères ?

J’ai été conditionné à rapper comme ça, je viens d’une époque où il fallait bousiller les prods. Si tu te prétends kickeur, il faut casser l’instru et ne pas lui faire de caresses, c’est ma philosophie ! Mais tu peux très bien être un rappeur sans kicker, on le voit de plus en plus aujourd’hui.

Malgré cela, tu ne t’es pas fermé aux nouvelles mélodies et aux nouveaux outils désormais prédominants dans le rap actuel, l’adaptation s’est faite naturellement ? 

Il faut s’adapter au côté plus “épuré” du rap actuel, mais ne pas oublier de conserver des mots ! Je ne vais pas me mettre à lâcher des onomatopées à tout bout de champ juste pour faire plaisir et ambiancer le public. En ce qui concerne les mélodies, j’ai toujours fait des refrains chantés. J’ai d’ailleurs l’impression que les gens l’ont oublié et n’ont retenu que les couplets violents ! (rires) Certains sont étonnés de me voir chanter dans mes récents morceaux alors que j’ai toujours eu l’habitude de faire ça. Peut-être aussi que je l’amène aussi différemment maintenant, avec plus de maîtrise et en utilisant les nouveaux outils à disposition.

Comment, en tant que « vétéran » de la scène, on s’en sort dans un milieu qui nécessite aujourd’hui un renouvellement constant, et qui voit des jeunes se démarquer presque tous les six mois ? 

Je ne me considère pas vraiment comme un “vétéran”. Comme je le dis souvent, je suis entre le O et le G de “OG”. Je ne suis pas de la génération “stream”, mais pas de celle de NTM non plus. Mais, tout d’abord, il ne faut pas être aigri. Il faut comprendre que le public s’est élargi et qu’il en faut pour tout le monde, même si la musique ne nous parle pas. On doit aussi observer ce que font les jeunes, sans pour autant copier pour ne pas paraître “has been”. C’est comme à notre époque. Les grands ne comprenaient pas ce qu’on écoutait, disaient que c’était de la musique de sauvage. On ne peut pas faire la même erreur en critiquant tout ce qui se fait actuellement. Beaucoup deviennent comme ça sans même s’en rendre compte.

Ice Crimi

Ça t’es arrivé personnellement, de voir un nouveau rappeur qui explosait et de te demander comment c’était possible qu’il plaise à autant de monde ?

Bien sûr ! Par exemple, mon fils m’a récemment fait écouter “Aristocrate” de Heuss l’Enfoiré et au début, je me demandais vraiment comment les gens pouvaient s’ambiancer sur ça. Après plusieurs écoutes, j’ai capté le truc et maintenant, je trouve son univers génial. J’ai le son dans ma playlist alors que je ne comprends même pas ses expressions! (rires)

C’est ce qui te fais te remettre en question, parce que quand ça arrive plusieurs fois, tu commences à te dire que c’est toi le problème. Il faut juste essayer de comprendre le phénomène. Et contrairement à notre époque, les petits sont beaucoup plus fédérateurs et amènent le mouvement encore plus loin.

En plus de ton retour musical, tu es aussi réapparu sur les réseaux sociaux avec Twitter et Instagram après une longue pause. C’est désormais essentiel pour un artiste de gérer sa communication presque aussi sérieusement que sa musique ? 

J’avais coupé tous les réseaux pour me focaliser sur l’éducation de mon fils et prendre un peu de recul sur la musique. Au final, je pense que cette période a été bénéfique et m’a donné un second souffle. Mais quand on revient sur le devant de la scène, c’est désormais primordial d’utiliser les réseaux sociaux et de presque devenir son propre média. Ce n’est pas une partie de plaisir pour moi mais il faut le faire, pour pouvoir faire écouter ta musique à un maximum de personnes. Les codes ont changé et aujourd’hui, les fans ne sont plus là que pour tes sons. Ils veulent savoir ce que tu manges le matin, la marque de ta voiture, le tiroir dans lequel tu ranges tes chaussettes… Les auditeurs veulent absolument tout savoir sur ta vie. La musique se regarde maintenant, elle ne s’écoute plus.

L’importance des réseaux sociaux dans le quotidien des rappeurs comporte aussi des aspects négatifs ? Dans le morceau « Delorean » sorti en 2014, tu disais : « Bientôt les clashs vont se régler en live sur WhatsApp » 

J’avais complètement oublié cette punchline ! On peut dire que j’avais prévu la chose. Aujourd’hui, les guerres se règlent via des tweets, des commentaires, des posts Instagram… C’est le côté néfaste des réseaux et il faut faire attention à ne pas tomber dedans. Il faut s’adapter et essayer de trouver le juste milieu, car tu peux être vite pris dans un torrent incontrôlable et il est presque impossible de s’en échapper .

Dans ce nouveau projet, tu t’attaques encore aux rappeurs « mythos », ceux qui « s’inventent des vies ». C’est l’un des plus grands fléaux du rap selon toi ?

Pour moi, c’est le virus du rap, on n’a pas encore trouvé de vaccin contre ce problème. Ça ne m’empêche pas de dormir la nuit ni de composer, je le prend plus à la rigolade, mais c’est vrai que j’aime bien lancer quelques piques quand je suis dans un délire egotrip. Peut-être que j’en parle un peu trop, j’ai d’ailleurs un ami qui m’a dit récemment que je faisais trop une fixette dessus et qu’il fallait que je passe à autre chose. Il a certainement raison. Mais c’est un phénomène qui ne s’arrêtera jamais et je remarque directement quand quelqu’un ne dit pas la vérité.

En 2011 tu sortais le morceau “État des lieux”, une large critique du rap de l’époque et de son système. Ton analyse serait-elle aussi dure sur le rap actuel ?

J’ai dû assumer les conséquences de ce morceau, et je ne m’en suis pas caché. Aujourd’hui, le rap se porte bien mieux qu’à cette époque. Il est bien plus ouvert, il y a moins de conflits qui partent vraiment en vrille et tout le monde peut devenir rappeur sans avoir besoin de se créer une image de dur à cuire. Cette musique s’est popularisée et c’est la plus écoutée en France. Il y en a pour tout le monde et c’est tant mieux. Le monde du rap est moins “hardcore” qu’avant. Les embrouilles se règlent désormais derrière un écran, c’est plus divertissant et ça fait surtout moins de blessés.

Dans tes morceaux comme dans tes clips, on ressent ton attachement à la vie de quartier. Même si tu disais ne plus être un “jeune de tess”, tu en conserves certaines valeurs qui te sont chères ?

On est des jeunes de cité à la base, on vient de là. Et quand je parle de cité, j’englobe tout ce que ça comporte. La vie en quartier, ce n’est pas seulement les descentes, le trafic et les histoires qui finissent mal. C’est surtout les barbecues le dimanche, le foot avec les potes, les mères qui se connaissent toutes entre elles, l’entraide qu’il y a dans la communauté, les grands qui calment les plus jeunes pendant les émeutes… Cette cité là, j’en suis fier et j’en garde des valeurs qui resteront à jamais. Le fait d’être un jeune de cité et de se faire catégoriser comme tel, avec tous les clichés qu’on y associe, peut réellement te mettre des barrières dans ta vie. Mais de nombreux jeunes s’en sortent bien, s’expriment correctement, font des actions qui aident la communauté… On a des exemples dans tous les domaines que ce soit dans le sport, la musique, l’entreprenariat. Il faut en parler et mettre en valeur la réussite de ces gens là.

En 2018, dans ton album “Alter Ego” tu nous offrais le morceau « Presque célèbre ». Tu es toujours en quête de succès et de reconnaissance, plus que tu n’en as déjà ?

On veut toujours être reconnu pour le travail qu’on fournit. Mais j’ai acquis une certaine maturité après des années d’expérience qui fait que je ne cours plus après des rêves qui semblent inaccessibles. Plus que la célébrité, je cherche surtout à trouver une certaine constance, développer mon modèle économique et garder la maîtrise de ma musique.

Ton nouvel album “Scoop #1″ comporte sept titres. Peut-on espérer une suite très prochainement ? 

La suite est prévue ! Elle arrivera bientôt mais ça reste une surprise pour l’instant.

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