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Sam’s : Son nouvel EP “Deus Ex Machina”, le cinéma, son parcours sinueux, sa vision du rap actuel, l’écriture, les mangas

Sam's

Sam’s est un artiste originaire de Bordeaux présent dans le rap français depuis une bonne dizaine d’années. Il s’est épanoui dans la musique mais aussi dans le cinéma, notamment pour ses rôles dans la série « Patients » ou encore dans le film « La surface de réparation ». Trois ans après la sortie de son dernier projet « Première saison », il est revenu début février avec un nouvel EP « Deus Ex Machina ». Nous sommes allés à sa rencontre pour qu’il nous en dise plus sur le projet, sur son parcours et sur sa vision du rap actuel.

Rapelite : Tu es rappeur mais aussi acteur, quelle est ton activité principale aujourd’hui ?

Je ne saurais pas te dire. J’ai la chance de pouvoir avoir différents moyens de m’exprimer. Je fais de la musique, je tourne, j’écris. Ça me permet de m’épanouir. À l’instant T, je te dirais que je suis rappeur. Dans deux semaines, je pourrais changer de discours si je suis en plein tournage.

Ton EP s’intitule d’ailleurs « Deus Ex Machina », un terme souvent utilisé dans le cinéma. Pourquoi l’avoir baptisé ainsi ?

Dans le théâtre ou le cinéma, « Deus Ex Machina » signifie un événement inattendu qui arrive au protagoniste à un moment critique. C’est un peu le parallèle que je fais avec ma vie. Je ne l’ai pas appelé comme ça uniquement pour le projet, mais pour tout ce qui m’est arrivé récemment, de bien ou de mal.

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Tu as dévoilé la cover d’une manière originale en clippant le shooting photo de celle-ci. Ton travail de comédien peut t’inspirer ce genre d’idées?

Le cinéma peut m’aider à trouver de nouveaux concepts bien sûr, mais j’ai toujours essayé de me renouveler. Il y a tellement de différents artistes aujourd’hui qu’on est obligé de se distinguer en offrant du neuf à nos auditeurs. Que ce soit dans mon univers musical ou dans ma manière d’apporter mon contenu.

On va passer sur ton projet maintenant. Dès le premier son « Gunshot » tu te dis « Sous-côté, bien trop négligé ». Tu penses être dans cette catégorie d’artistes qui ont le talent mais pas la renommée qu’ils méritent?

Quand je dis cette phrase, c’est par rapport à ce qui revient souvent dans les commentaires de mes clips ou même quand on parle de moi sur les réseaux. En général, ce sont les gens qui me mettent dans cette catégorie. Personnellement je ne me plains de rien, c’est un simple constat. Après, c’est à moi de trouver les outils pour acquérir une plus grande exposition. C’est tout le challenge de mon métier et c’est ce qui m’intéresse dans ce que je fais.

Mais n’est-ce justement pas la tâche la plus difficile pour quelqu’un de ta génération de réussir à te « mettre à jour » et de parler aux jeunes ?

Si on aime vraiment la musique, ce n’est pas forcément compliqué de se renouveler. Le tout est d’arriver à rester soi-même tout en ayant un discours qui peut toucher les nouvelles générations. Un rappeur comme Booba a trouvé la bonne formule pour parler aux plus jeunes malgré son âge. C’est ce qui fait sa longévité. Il faut accepter le fait que la musique soit générationnelle et s’adapter en toutes circonstances.

On peut aussi prendre l’exemple de Fianso, qui a percé sur le tard et qui est maintenant l’un des rappeurs les plus importants en France.  

Parfaitement. Sofiane représente toute une génération et c’est une immense fierté de le voir à ce niveau là. On vient d’une époque où les streams n’étaient pas encore aussi importants et où les maisons de disques ne nous aidaient pas. Le fait qu’il n’ait pas lâché l’affaire et qu’il ait obtenu le succès qu’il méritait après des années de travail acharné est un exemple pour tous.

C’est le message d’espoir que tu essaies de transmettre avec ton morceau « J’y crois encore » en compagnie de Nemir ?

Je pense qu’il faut toujours positiver. Quand on était jeune, au quartier, on a toujours été dans une acceptation de l’échec. Quand quelqu’un avait le talent mais ne réussissait pas dans la musique ou dans le sport, on se disait que c’était normal. Mais ce n’est pas normal ! Il faut qu’on arrête de partir défaitiste. Tant qu’on a la santé et l’énergie pour aller au bout de nos projets, on se doit d’y croire à fond et de ne pas abandonner.

Quand on écoute ton EP, on te sent légèrement critique envers le rap français et son écosystème, notamment dans le titre « Tout est faux ».  

Je ne dirais pas que je fais une critique du milieu. J’expose simplement les faits et je dis les choses comme elles sont. Je ne me vois pas dire que tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes car ce n’est pas vrai. Je ne veux pas être hypocrite, mais ça ne veut pas dire que j’éprouve de la rancoeur envers le monde du rap. Par exemple, dans ce morceau, quand j’évoque les achats de streams, je ne dis pas que les artistes font ça pour tricher. C’est simplement le nouveau fonctionnement du marché, comme quand les rappeurs achetaient leurs propres disques à l’époque pour les revendre en concert et gagner en visibilité. Mais il ne faut pas nier que cette stratégie existe. Sinon, ceux qui n’utilisent pas cette méthode sont désavantagés.

Tu disais aussi dans ton single « Pas de paix », sorti début novembre : « Où est le rap français, on a perdu sa plume ». Tu ne te retrouves pas dans les tendances musicales actuelles?

On est moins dans la culture du texte de nos jours. On est plus dans celle des gimmicks et de l’énergie. Les rappeurs sont moins impressionnants lyricalement mais ont d’autres qualités. Ça ne m’empêche pas d’écouter et d’apprécier les artistes d’aujourd’hui. Par exemple, j’aime beaucoup ce que font Hamza et 13 Block.

Tu as notamment un titre en featuring avec Naza « Péter les plombs » dans cet EP, dans un style où on ne l’attend pas forcément.

J’aurais pu faire un morceau type « Zumba », mais ça ne m’intéressait pas. J’aime le challenge et j’ai voulu essayer de l’amener dans un autre registre. Je n’ai pas envie d’être mis dans une case et j’aime le fait de pouvoir faire ce que je veux dans ma musique.

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Tu n’es plus chez Bomayé Music depuis quelques temps déjà. Qu’est-ce que ça a changé dans l’élaboration de « Deus Ex Machina » de faire cavalier seul?

Absolument tout. Je suis plus libéré, plus tranquille, je peux me concentrer uniquement sur le côté artistique car je me met beaucoup moins de pression. J’ai trouvé mon économie, et ça m’a aussi offert plus d’opportunités.

On ressent en effet cette tranquillité à l’écoute du projet, notamment dans le titre « Animaux » avec Brav, où tu sembles faire un constat de manière très posée de ta vie et de ta carrière.

Je reviens vraiment des enfers, et ce type de morceau m’aide à prendre du recul sur ma vie et sur les événements passés. Il est nécessaire pour moi d’avoir une réflexion sur ce que je suis et où je veux aller. Mon objectif est d’être intemporel dans la musique, et c’est un titre dont je suis fier car c’est le plus ancien parmi ceux de l’EP.

Tu ne parles d’ailleurs plus du tout de football dans ta musique, et de ton passé d’espoir dans le milieu. Cette période est définitivement derrière toi ?

Complètement. Je ne voulais pas en faire un fond de commerce, j’ai déjà tout dit dans le titre « F.F.F. (Fuck le Foot Frère) » paru en 2015 dans l’album “Dieu est grand”. J’ai aussi fait une interview pour le magazine SO FOOT dans laquelle je raconte mon parcours en détail. J’ai fait le deuil de cette période, et c’est tant mieux. Je reste tout de même un grand fan de ce sport et je regarde encore des matchs.

Notamment ceux des Girondins de Bordeaux ?

C’est ma ville de coeur. Mais on ne va pas se mentir, on est vraiment mauvais en ce moment. Après, nous, on ne se mange pas de remontadas … (rires)

Tu as aussi un passif dans l’écriture pour d’autres artistes, comme Keblack ou Tal. C’est une activité que tu continues de pratiquer ?

Moins qu’avant. Quand on écrit pour les gens, on donne beaucoup de soi-même et on a moins de temps à consacrer à nos tâches personnelles. J’ai prêté ma plume pour du tango, du rap, de la variété française… J’essaie de moins m’éparpiller maintenant. Ça m’a quand même aidé à diversifier et à simplifier mon écriture.

Ce n’est pas une tâche un peu ingrate ? Si tu participes à un morceau qui obtient un gros buzz, tu n’as pas forcément la reconnaissance que tu mérites…

Quand j’écris pour un artiste, c’est parce que le courant passe bien humainement et que son projet me paraît intéressant. Je ne cherche pas la gloire en aidant les autres et ça me fait plaisir de voir qu’un titre auquel j’ai participé fonctionne bien. Mais c’est vrai qu’on ne met pas toujours assez en avant le talent des auteurs. Surtout dans la pop où, aujourd’hui, ils cherchent de plus en plus ce qu’ils appellent des « plumes urbaines ». Ils réduisent notre travail à nos origines ou à notre situation sociale, et ça va à l’encontre de mes principes. J’ai refusé de gros projets à cause de ça.

Quel serait ton top 3 des titres que tu as co-écrit ?

Si on parle de réussite, je suis obligé de citer « Bazardé » avec Keblack. Sinon, je suis très fier du titre « Premier Étage » aussi avec lui. Je te dirais également « Juste un rêve » avec Tal, que la maison de disque voulait jeter après avoir entendu la top-line mais qui, à l’écoute finale, a même décidé d’en faire un clip et de nommer l’album comme ça. Enfin, le titre « Baby Gyal » avec S.Pri Noir, qui était vraiment une très bonne expérience. Chacun testait ses phases sur l’autre, ce qui crée une sorte de ping-pong intellectuel qui ne peut que rendre le morceau meilleur.

En plus du cinéma, de la musique et du sport, on a vu sur Twitter que tu étais aussi un passionné de manga. D’où te vient cette fascination pour la bande dessinée japonaise ?

Depuis tout petit, avec Club Dorothée. J’ai été bercé par des mangas comme Ken le Survivant, Dragon Ball, Jeanne et Serge… Derrière les dessins qui semblent un peu enfantins se cachent de réels messages philosophiques, et ça m’a conditionné. Notre génération a eu la chance de bénéficier des derniers dessins animés japonais, avant que Ségolène Royal ne vienne les censurer. Sur Twitter, on est presque une « secte » avec des personnalités comme Jhon Rachid, Tiers Monde ou encore Ol Kainry. On est vraiment à fond dans le délire.

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Pour revenir sur le rap, quelle est la prochaine étape ?

Je prépare un nouveau projet qui devrait voir le jour avant la fin de l’année. Je travail aussi déjà sur un futur album qui devrait arriver en même temps qu’un court-métrage. Côté cinéma, le prochain film de Grand Corps Malade dans lequel je joue est prévu pour l’été 2019. Je suis sur beaucoup de projets différents et je ne vais pas avoir le temps de m’ennuyer.

Interview par Matthieu C.

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