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Changerz : EP IDENTIQUES, univers musical et visuel, l’évolution, Panama Bende, l’album

CHANGERZ (C) NICOLAS NEKMOUCHE

Entre 2015 et 2017, le collectif Panama Bende a réussi à s’imposer dans le rap français, avec leur style propre à eux découlant sur des hits potentiels, tout en conservant cet esprit de groupe. Leur dernier projet en date « ADN » prouvait que chaque membre du groupe avait progressé depuis l’époque de « Paris Genève », sans se dénaturer. Ainsi, après trois projets ayant vu le jour, les chemins se sont séparés temporairement, puisque le Panama Bende existe toujours bel et bien. Chacun traçant sa route de son côté, des individualités se sont dégagées à l’instar d’ Aladin 135, PLK et de Changerz. Cette dernière entitée est composée d’ASF et d’Elyo, s’éloignant des codes classiques du rap, et en proposant un éventail de morceaux très larges, musicalement, le duo dénote par rapport à ce que l’on peut voir généralement dans le rap français.. Fraîchement signé chez Barclay, Changerz a sorti son premier EP 6 titres IDENTIQUES, le 22 juin dernier, pouvant être considéré comme un condensé de leur potentiel artistique. A cette occasion, nous sommes partis les rencontrer au sein de leur maison de disque afin de retracer leur parcours et décrypter l’aventure Changerz !

Interview réalisée par Thibault.

Rapelite : Vous faisiez partie du Panama Bende, initialement, comment est venue l’idée de s’émanciper du groupe initial ?

ASF : De base, depuis la création du Panama Bende, on a toujours suivi le rap et son actualité, ainsi on a cherché des solutions lorsqu’on a vu que tous les groupes finissaient par se séparer afin que cette situation ne soit pas rencontrée. Ce système permettait de conserver notre indépendance vis-à-vis du groupe, on pouvait continuer à faire les choses que nous apprécions, à côté du groupe. T’avais le groupe, mais nos carrières solos, notre groupe, les featurings à droite à gauche, et avoir cette entité de deux personnes était une base qu’on avait mis en place dès le début.

Elyo : Avant de sortir les morceaux en groupe, les premiers sons qu’il y a sur la chaîne YouTube de Panama Bende, c’est des morceaux en solo, que ce soit de nous, de PLK, etc… Assaf et moi, on se connaissait déjà et on était meilleur pote avant la création du crew. Notre duo est une véritable entité du groupe. L’autre truc important à préciser est qu’on est meilleurs potes  depuis 10 ans, et à la base dans le Panama, il y avait deux pôles : Ormaz, PLK, Zeu et de l’autre Aladin, ASF et moi, après on s’est tous réunis mais dès le départ avec ASF, c’était un objectif de faire du son ensemble.

Rapelite : En fait, je posais cette question car je me disais que chacun aurait pu tracer sa route en solo…

ASF : Justement, on s’est posés la question et au final on s’est dit que ça faisait bizarre de passer de 7 à 2, en studio ou en concert, alors en solo… Nous avons préféré prendre notre temps, et faire nos trucs solos plus tard, c’est sûr que cela arrivera.

Rapelite : Si on fait une rétrospective du Panama Bende, vous estimez que ce collectif vous a aidé sur quel point ?

ASF : Panama Bende, c’est une école, dans la musique, on a tout appris, on a rencontré les premiers beatmakers, les premières rencontres dans ce milieu, on a commencé à bosser ensemble nos premières séances studio, je me rappelle de ma toute première session, j’étais comme un ouf, j’avais l’impression d’être aux States, je voyais un micro, une cabine, un ingénieur-son, plein de boutons. En plus, on était en full indépendant, juste en distrib’ chez Musicast, donc on a appris aussi bien artistiquement que sur le côté business, on a désormais deux labels : Changerz et Panama. Enfin, c’est surtout Elyo qui a appris à gérer ça.

Elyo : C’est Aladin, le premier à avoir créé son label à l’époque, il m’avait dit « franchement gros, si tu fais le pas, faut que quelqu’un fasse, sinon on va dans le mur ». Il savait que j’avais un peu plus la tête sur les épaules pour ces trucs-là, et un jour j’ai tapé « Comment créer une société sur Google ? », et c’est comme ça que tout a commencé. Ensuite je me suis fait aider par des gens à droite, à gauche, et j’ai monté le bail.

Rapelite : Par la suite, la signature chez Barclay est également intervenue, bien que ce soit beaucoup plus tard, après l’expérience Panama Bende…

Elyo : Pendant, voire à la fin du Panama, PLK sortait déjà ses projets, et on avait tous l’envie de faire des projets chacun de notre côté, et on (Changerz) avait été approchés par plein de labels pour signer, et on avait signé chez un label qui s’appelait Gum, qui a finalement été racheté par le label Barclay d’Universal. C’est pour cette raison que nous sommes chez Barclay. Les deux boîtes ayant fusionné, on est toujours Gum/Barclay. Tout cela pour dire qu’on a pas décidé de signer en major, cela s’est fait tout seul, et c’est pas plus mal au final, on adore l’équipe avec laquelle nous travaillons.

ASF : On laisse le destin faire, on était davantage dans une optique d’indépendance car nous aimons tout gérer, avoir le contrôle sur l’ensemble de notre musique, on cherchait davantage quelque chose de familial, et Gum, c’était ça, il y avait 3, 4 artistes, avec une petite équipe, et en 3 jours, t’avais fait le tour de toute l’équipe sauf qu’au final des choses ont fait qu’on a dû aller chez Barclay et on aime prendre la vie comme elle vient.

Rapelite : Barclay, traditionnellement, ce n’est pas un label sur lequel de nombreux rappeurs sont présents, donc nous aurions pu imaginer que le label d’Universal aurait pu vous signer afin de s’aligner sur l’urbain grâce à des artistes s’éloignant des standards classique du rap…

ASF : Tout est relatif car je sais plus trop ce qu’on entend par rap, je dirais que Barclay est avant tout un label de musique comme tous les labels, et ils ont également des artistes comme Roméo Elvis. C’est un long débat sur savoir si c’est du rap ou non, je préfère dire que c’est de la musique. Finalement, ça nous arrange de pas classer cela dans le rap car Elyo a fait de la guitare, j’ai fait de la batterie, et l’objectif était de faire un projet musical avant tout.

Rapelite : Concernant le projet « Identiques », c’était un 6 titres, donc un format plutôt court, c’était voulu d’y aller étape par étape ?

ASF : C’est marrant parce qu’au moment de dévoiler la tracklist, beaucoup de personnes nous ont dit « c’est super court, vous avez déjà sorti deux sons, il y en a seulement 4 en plus », et c’est totalement volontaire. De base, on a signé en licence pour deux projets LP, 15 – 20 titres, et sauf qu’en arrivant chez Barclay, on s’est rendus compte qu’il valait mieux changer les plans. De base on devait sortir un 15 titres mais on s’est dit que c était trop tôt, qu’on avait un nouveau nom, des nouveaux réseaux etc et qu’il fallait mieux sortir un format plus court en sorte de « carte de visite ». Sortir 15 titres, sachant que c’est de la musique un peu différente, nous jugions que cela servait à rien, on allait simplement niquer 10 titres. Donc, on a préféré proposer cette carte de visite, cette introduction, afin de montrer la palette de ce qu’on sait faire.

Rapelite : Sur l’ensemble du projet, j’ai eu l’impression, éventuellement à tort, que vous avez été influencés par énormément de rap américain, en termes de choix de production ou de flows…

Elyo : On va pas se mentir de toute façon la musique est très américaine à l’heure actuelle, donc on peut pas vraiment s’en cacher.

ASF : Avec Elyo, on est jamais rentrés dans la cabine en disant je veux faire comme untel sur ce point, mais on écoute beaucoup de rap américain, donc inconsciemment, cela doit influencer. Mais en vrai, nos influences sont bien plus larges étant donné qu’on écoute tout style de musique, c’est ce qui fait notre ouverture musicale.

Rapelite : Justement, cette ouverture musicale en 2018, vous vous inscrivez dans ce courant, ce ne serait pas le moment idéal pour vous faire une place dans le rap français ?

Elyo : Cette histoire de timing, on a la chance d’être dans ce délire depuis qu’on est petits, la musique est de moins en moins segmentée et on trouve ça trop chaud. Aujourd’hui, quand t’écoutes du son, tu te demandes plus si c’est du rap, ou si c’est autre chose, c’est du son.

ASF : Je sais pas si Changerz se fera une place dans le rap, mais on va essayer de le faire quoi qu’il arrive et ça arrivera un jour. En vrai, avec le Panama, nous avons déjà acquis un petit truc où beaucoup de gens nous suivent, donnent de l’amour, et on rend cet amour, donc déjà c’est magnifique. Encore une fois, on va pas parler de rap, mais de musique tout court, et l’objectif reste de se faire une place dans la musique. On est des fanatiques de rap, de blues, on a pas de limite et on veut juste qu’un maximum de personne nous écoute.

Elyo : Il y a un truc qu’on se dit souvent quand tu demandes à quelqu’un ce qu’il écoute, 95% du temps la réponse sera « j’écoute de tout », on s’est dits nous aussi alors pourquoi se limiter à un seul style ?

ASF : On fait ce qu’on aime avant tout, sans vraiment se préoccuper de si cela va plaire. On se pose pas de questions, on sort si on kiffe. C’est la mentalité du duo.

Rapelite : Sur le projet, et sur un morceau en particulier « Dans ce monde », avec le refrain qui est très efficace mais dont on se demande si c’est chanté, un sample ou autre…

ASF : Au studio où nous travaillons, au studio BlackBird, chez DJ Elite, on a croisé un artiste avec lequel il travaille, et qui chante, à savoir Annaïka. On était au studio avec lui, il a kiffé le son de ouf, on lui a dit « fais un refrain si t’en as envie » étant donné que c’est un son poussant à la réflexion, on voulait un refrain fly, où t’as le temps de réfléchir aux paroles. Du coup, en discutant, on lui a dit de faire un truc sans parole, dans un premier temps, histoire d’être en harmonie, il a glissé 2, 3 trucs en anglais mais au final ça ressemblait à notre idée.

Elyo : On aimerait le clipper mais on rentre en été, et je pense que ce sera pas le prochain clip car le sortir en été, c’est pas forcément la bonne période. En tout cas, on a pensé à le clipper.

Rapelite : Visuellement, Changerz se démarque, grâce aux idées que vous mettez en place…

Elyo : Sur la réalisation des clips, on a eu la chance de rencontrer Allo Alix qui a réalisé nos deux premiers clips, et qui est instagrameur en parallèle, on l’a rencontré, et le feeling humain est archi bien passé, et c’est essentiel pour nous. Quand on bosse, on veut que ce soit du plaisir et ne pas se prendre la tête. Bref, avec Alix, on a voulu créer un univers visuels qui était un peu chaud, sur le premier, on voulait quelque chose d’intriguant, et le public s’est demandé ce que c’était, en qualifiant ça d’ovni, limite. Le second, nous avons voulu faire quelque chose d’un peu plus léger, et qui soit fidèle à nous-mêmes.

ASF : Le premier clip c’est Alix qui a trouvé l’idée. On est assez discret dans ce clip car le son s’appelle ” Silence” et on voulait jouer sur ce contre pied de quasiment pas se montrer dans notre premier clip/single. Du coup on s’est dit que pour le deuxième il fallait par contre qu’on nous voit beaucoup plus et que le clip soit un peu plus léger parce que le premier était très narratif. Il fallait quand même qu’il y ai un concept, on a trouvé cette idée de texto etc avec Alix et on est très content du résultat “.

Rapelite : Pourquoi avoir eu l’envie de sortir « Identiques » en ultime extrait du projet ? Sachant que c’est un morceau un peu crash test, musicalement.

Elyo : Au départ, cela devait être notre tout premier, et on a préféré partir sur un morceau plus intriguant avant et « Identiques » par la suite. Même aux yeux du public, on a constaté que cela fonctionnait mieux dans ce sens, on était pas sûrs du résultat mais les retours que nous avons eus ont conforté notre idée de départ. C’est pour cette raison qu’il s’agit du morceau éponyme du projet, mais c’est le pacte, on s’était jurés de le faire, et on l’a fait. Entre nous, on a une expression : « Est-ce que ce morceau est Changerz ou pas ? ».

ASF : Ce morceau était Changerz fort parce qu’il décrit parfaitement l’envie du groupe, et ce qu’on vise. Musicalement, on trouvait ça très fort, on l’a fait en une nuit, avec DTWeezer, on est arrivés chez lui, on a fait la prod ensemble, on a posé dessus en une nuit et en sortant du studio, il était midi-13h, on l’a réécouté dans le taxi et on s’est dits que le morceau était vraiment chaud. C’était le premier ou le deuxième morceau du projet, sachant qu’on en a encore 15-20, donc il date, et on a commencé à se lasser de certains morceaux mais celui-ci, on le réécoute, et on le kiffe toujours.

Elyo : Quand on le faisait écouter à nos potes, tout le monde bougeait la tête, il y avait des cous qui se coupaient en deux.

Rapelite : L’attitude des personnes présentes dans le studio, qui écoute votre musique, c’est quelque chose auquel vous faites attention ?

Elyo : Nous sommes très attentifs à ce que nos potes pensent de notre musique, et leurs premières réactions. Parfois, tu passes tellement de temps sur un son, t’écoutes la prod, t’écris dessus pendant 10 heures, ensuite t’enregistres et tu mixes, ça prend du temps, à la fin, tu n’as plus aucun recul sur le titre. Les avis de nos gars sûrs sont vraiment trop importants.

ASF : En général, le morceau est fini, mais on est pas sûrs de certaines choses donc on demande l’avis de nos gars qui ont plus de recul, c’est nécessaire.

Rapelite : Parfois, pour vous qualifier, certains disent que vous êtes un groupe dans la hype, comment prenez-vous cette appellation ?

Elyo : En vrai, les expressions de ce genre-là valent rien, cela nous passe au-dessus. C’était dans notre idée d’avoir une image positive, et ce qui compte davantage reste qu’on ait une image positive auprès des gens plutôt qu’on soit stylés.

ASF : La hype, carrément, je te mens pas, je sais pas vraiment ce que c’est, c’est un mot fourre-tout. On a des potes qui en font partie, je crois. Si la hype correspond à être stylé, et inspirer des gens, c’est positif. Après, on a toujours fait attention à notre image.

Rapelite : Sur « Silence », vous aviez une référence au livre « 1984 » de Georges Orwell, qui est un roman de science-fiction, c’est un univers qui vous attire dans le sens où vous dépassez les frontières du réel et il y a parfois un côté suréaliste dans vos clips ?

Elyo : En vrai, c’était pas plus important que cela, mais on voulait un truc choc au début et cela va bien avec l’ère du temps, il y a pas mal de gens qui ont dit que ça ressemblait à Black Miror. Le but de base reste de montrer notre amour pour la musique, c’était le meilleur moyen de l’illustrer. Cet univers qui crée le besoin d’évasion, on le retrouve dans de nombreux films et séries, et effectivement Black Mirror nous a éventuellement influencé étant donné qu’on s’est butés à ce son.

Rapelite : A l’heure actuelle, vous estimez encore être en développement, sachant que vous avez l’aventure Panama Bende derrière vous ?

ASF : Déjà avec le Panama, on l’était, donc on estime toujours l’être, c’est encore plus du développement car on a fait le choix de refaire des nouveaux réseaux, une nouvelle chaîne YouTube. On savait qu’on allait pas générer des millions de vues, de façon immédiate, que cela prendrait un certain temps, c’est limite excitant parce qu’on a l’adrénaline du début, en mode nouveau challenge.

Rapelite : Concernant la sortie de l’EP « Identiques », quel est votre objectif par rapport à la sortie de ce projet ?

ASF : On veut envoyer un max de love et d’ondes positives avec notre musique. Il y a beaucoup trop d’ondes négatives dans ce monde. Rendre les gens heureux avec notre musique c’est un vrai objectif, un vrai but. Le public nous écoute et suit depuis un certain temps, donc il faut leur rendre cet amour. Il y a toujours des petits messages dans nos sons, il y aura toujours un petit message même si on fait un morceau égotrip.

Rapelite : De façon plus globale, en parlant avec vous, j’ai l’impression que vous vous prenez vraiment la tête sur votre musique, mais vous n’avez pas le sentiment de donner de la confiture aux cochons car le public est bien plus dans la consommation instantanée que le décorticage ?

ASF : Ca revient à ce qu’on dit depuis le début, on le fait pour nous avant tout. C’est un besoin de le faire, je te mens pas, j’ai la flemme de faire un morceau où je parle de mes Nike pendant 3 couplets, c’est pas notre délire, on écoute ce genre de son, avec cette nouvelle vague. On écoute des morceaux égotrips à fond, après c’est moins notre délire de faire ce genre de morceau, même s’il y a un public à conquérir, qui a envie de se vider la tête.

Elyo : Dans notre parcours musical, on est très proches de notre public quand on fait un morceau. Avec le Panama, on a très vite eu un rapport proche avec le public, c’est important que les gens se retrouvent dans notre musique, aussi bien par rapport à nos ambiances musicales qu’à nos textes, qui nous correspondent. Quand tu réussis à avoir un public comprenant ce que tu veux dire, tu leur parles, c’est eux qui vont créer ton succès en parlant de notre musique à leur entourage. On a une démarche qui parle aux gens. On m’a toujours dit qu’il ne fallait pas se rabaisser au niveau de ce qui se fait actuellement, et il faut élever les gens au contraire. C’est peut-être prétentieux et j’ai pas envie de dire qu’on fait passer des messages incroyables, mais on essaye de le faire au mieux.

Rapelite : Par rapport au public, vous tourniez beaucoup avec le Paname Bende sur scène, vous avez prévu de défendre « Identiques » dans les salles ?

ASF : Pas celui-ci parce qu’il n’y a pas assez de titres mais on va enchaîner avec un projet un peu plus long, fin 2018, début 2019. A ce moment-là, on fera beaucoup plus de scènes car nous aurons plus de titres et on essayera d’arriver avec un live carré et travaillé de A à Z. Auparavant avec le Panama, c’était le bordel sur scène et on adorait ça : on arrivait à 7 sur scène et on cassait tout. Avec Changerz, on est plus dans une démarche de construire un show, et vu que dans le prochain projet, il y aura des morceaux acoustiques, des morceaux turn-up, ce sera vraiment différent dans la manière de bosser le live.

Rapelite : Si vous deviez rajouter quelque chose de supplémentaire :

Elyo : On ne changera pas le monde tant qu’on ne changera pas nous-mêmes !

ASF : Que du love autour de nous !

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