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Dossier : le streaming une aubaine pour l’industrie du disque, mais jusqu’où ?

Depuis quelques semaines, sur les réseaux sociaux, un débat revient régulièrement au sujet du disque d’or et de son obtention. Initialement, cette fameuse certification correspondait à 100 000 cds vendus, avant de passer à 75 000 au cours de l’année 2006, pour finir à 50 000 en 2009. Ces diminutions successives correspondaient à l’état de forme des ventes de disque physique ; en constante déclinaison. Cependant, le marché du disque a connu une modification majeure en 2016, ayant pour but de s’adapter au nouveau mode de consommation actuel, à savoir le streaming. Ainsi, sur cette même période 2016, le rap est devenu la musique la plus streamée sur les plateformes de streaming et les certifications tombent à la pelle pour les rappeurs français. Cette amélioration des chiffres de l’industrie urbaine pose la question de rehausser le disque d’or, pour redonner du caractère à cette certification, parfois décriée ou bien de ne toucher à rien et asseoir la domination du rap français sur l’industrie musicale française.

I) Le streaming : une aubaine pour l’urbain …

STREAMING

1) L’urbain face aux autres styles musicaux

Le rap est la musique la plus streamée en France, ce phénomène a été provoqué par le fait qu’une partie des auditeurs de ce courant musical sont très jeunes, et donc très enclins à utiliser le streaming. Par conséquent, le rap est devenu un sérieux concurrent de la variété française, qui est resté longtemps indétrônable et qui doit désormais se réadapter aux nouvelles stratégies. Forcément, une partie des artistes de variété peut voir d’un mauvais œil que le streaming soit comptabilisé comme ventes, puisque cela ne représente pas forcément un acte d’achat dans le sens “ classique”  du terme. Néanmoins, le fait qu’un streameur s’abonne au compte d’un artiste ou écoute ses titres peut être considéré comme une nouvelle forme de soutien. Il faut également faire la distinction entre un streameur qui va « tester » un projet et celui qui va réécouter le projet plusieurs fois car ce dernier a été apprécié.

Ainsi l’argument de comptabiliser les écoutes streaming en ventes s’avère pertinent. Sur la simple base économique, donner 10 euros pour acheter un projet ou bien profiter de son abonnement pour tester plusieurs projets, ce sont deux modes de consommation distincts mais complémentaires. Afin d’équilibrer l’apport du streaming dans les chiffres de ventes totaux d’un album le Syndicat National de l’édition Phonographique (plus communément appelée SNEP) a mis en place une méthode de calcul de conversion streaming/ventes d’album. On additionne le nombre de streams de chaque titre d’un projet. Le titre qui aura le plus de streams verra son chiffre divisé par 2 lors du calcul. La somme totale restante sera alors divisée par 1000, le résultat de cette division représentera le nombre de ventes du projet (converties à partir des chiffres stream). Mais finalement, la véritable question n’est pas de savoir si cela paraît égal, le plus intéressant reste à connaître la rémunération de l’artiste et des producteurs. D’ailleurs l’industrie reste généralement assez floue sur les revenus générés par le streaming.

2) L’apport économique et la multiplication des projets

STUDIO

A côté, ce nouveau mode de consommation permet également d’avoir plus de projets étant donné qu’ il a permis à beaucoup d’artistes de vendre plus et ainsi de s’assurer un avenir qui aurait pu être limité, voire compromis s’ils avaient dû uniquement compter sur leurs ventes physiques ou digitales. En donnant une impression de gratuité avec le streaming, qui malgré tout permet aux artistes et producteurs de dégager des revenus, l’urbain retrouve un second souffle commercial après les années 90. Pour un artiste en indépendant, le streaming peut lui permettre d’adapter une stratégie à moindre coût, dans une idée de développement. En effet, l’artiste qui évolue en indépendant pourra sortir plusieurs projets digitaux afin de tâter le terrain pour ensuite affiner sa stratégie marketing en fonction des différents retours sur ces projets à moindre coût. Le streaming peut éventuellement permettre à un artiste de se produire davantage en showcase. Admettons qu’un artiste avec une notoriété intermédiaire ait un son ou deux qui soient plébiscités sur les plateformes de streaming, celui-ci pourra effectuer un showcase, avec ses titres phares.

Certains regretteront que cet enchaînement de projets se fasse au détriment de la qualité. Mais à l’heure de la surconsommation de la musique un artiste se doit d’exister et d’être présent de façon régulière commercialement pour ne pas être oublié, cela implique le fait d’être productif. Cette productivité est d’ailleurs plus ou moins élevée en fonction du type de musique pratiquée , de l’univers et du public de l’artiste …

Ajoutons à cela que rien n’aurait pas été possible si de nombreux artistes n’avaient pas ramené leur tendance, en allant casser les codes, de Disiz au début des années 2000 à Jul, en passant par Rohff, Orelsan, Nekfeu, Booba, PNL, Fianso, MHD et bien d’autres. L’éclectisme du rap français permet à n’importe quel auditeur de trouver son compte dans les différents styles proposés.

 

Beaucoup voient les rappeurs qui réalisent d’énormes performances grâce à l’évolution du streaming au niveau des ventes mais des artistes peuvent également se faire connaître plus facilement avec le streaming, avec la création à foison de playlists thématiques.

II) … mais jusqu’où?

 STREAMING

1) La valeur d’une certification : une notion qui se perd

La nostalgie de la part des trentenaires (et plus) peut être compréhensible au vu de la complexité et du symbole que représentait le disque d’or. Désormais, les temps ont changé, les stratégies commerciales, promotionnelles et artistiques ont évolué. En 2017, ces dernières sont plus abouties grâce au travail effectué par les anciennes générations. Par exemple sans Lunatic, et leur décision innovante – pour l’époque – de se produire en indépendant, Jul et PNL n’auraient peut-être pas également connu ce parcours en marge des maisons de disque.

La différence entre ces deux générations de rappeurs indépendants réside autour de la facilité accrue à produire un album. A l’époque la logistique, l’accès aux ressources nécessaires et le temps rendaient plus complexe la création d’un projet. L’essor du numérique et des nouvelles technologies de l’information et de communication a ouvert de nombreuses possibilités afin de s’autoproduire et de pouvoir se tester afin de se perfectionner.

Forcément, certains trouvent regrettable qu’un artiste puisse obtenir une certification grâce à un  engouement créé sur une courte période plutôt qu’à un travail de développement, effectué sur le moyen ou long terme.

De plus, avant même du streaming, les réseaux sociaux se sont également développés, la liberté d’expression est très présente sur ces canaux de communication. Malheureusement, cela comporte également son lot de points négatifs, notamment la prolifération de faits erronés ou incomplets. Beaucoup d’auditeurs considèrent que le disque d’or est plus facilement accessible aujourd’hui. Mais n’y a-t-il pas un manque de pédagogie de la part de l’industrie qui devrait expliquer les difficultés à réaliser un projet et à savoir le vendre ? Toute l’industrie connaît ses complications diverses et variées mais elles sont souvent passées sous silence auprès du grand public qui ne voit que les succès engendré en partie par l’appui du streaming. Le manque de communication sur le sujet pourrait expliquer en partie cette multiplication de critiques envers le streaming.

L’exemple le plus récent concerne les soupçons de tricherie grâce au stream. Un procédé qui n’est pas nouveau, il faut garder à l’esprit qu’à l’époque où le streaming n’existait pas, des méthodes telles que le rachat de stock de CD, l’achat de morceaux sur les plateformes digitales étaient déjà utilisées. Dans les deux cas, cela ne concernerait qu’une minorité d’artistes. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces tricheries : volonté d’augmenter sa notoriété, provoquer l’intérêt des médias, améliorer son image de marque, augmenter son cachet en showcase ou concert. La polémique entourant les chiffres de ventes via les plateformes d’écoutes ne touche d’ailleurs pas que le marché français. Il y a quelques jours Post Malone qui s’est hissé en tête du Hot 100 du Billboard avec son titre Rockstar en featuring avec 21 Savage a été accusé de tricherie. Il lui est reproché d’avoir, avec sa maison de disque, mis en ligne sur Youtube une vidéo audio où une boucle du refrain du titre est répétée pendant 3min38. Cette vidéo a dépassé la barre des 51 millions de vues, ce qui aurait permis au titre de voir ses statistiques générales en streaming augmentées artificiellement et passé devant le single Bodak Yellow de Cardi B au Hot 100. Billboard a décidé de réagir à cette polémique à travers un communiqué en revoyant sa manière de comptabiliser les écoutes sur les plateformes digitales. A l’avenir les comptes payants auront plus d’importance que les comptes gratuits sur les plateformes streaming dans le traitement des écoutes. De plus, les écoutes via les plateformes streaming auront plus de poids que celles enregistrées depuis des sites tels que Youtube ou Soundcloud.

2) Réhausser les certifications

 

« J’ai disque d’or mais cela grâce au stream. Donc jaloux écrivirent tweets hostiles » rappait Damso avec ironie dans Nwaar Is The New Black afin d’illustrer ce sentiment de défiance envers ce nouveau mode de consommation. La communication autour des chiffres de ventes d’un projet est aujourd’hui scrutée par le public et les différents acteurs de l’industrie. Cela donne parfois l’impression que si un artiste ne fait pas disque d’or, son projet aura des chances d’être considéré comme un flop, au vu de l’importance accordée aux chiffres par une partie du public et des professionnels. La qualité artistique du projet passant parfois malheureusement au second plan. Même si le SNEP a proposé une méthode de calcul de conversion visant à équilibrer l’apport du streaming, d’aucuns souhaiteraient voir l’obtention du disque d’or revue à la hausse pour redonner ses lettres de noblesse à la certification. Passé de 50 000 exemplaires à 80 000 exemplaires par exemple permettrait de redonner de la valeur au disque d’or mais compliquerait encore plus l’obtention de la certification pour d’autres styles musicaux qui ne profitent pas forcément de cet essor du streaming. Cela aurait pour conséquence de réhausser également l’obtention du disque de platine : passer de 100 000 exemplaires à 130 000 exemplaires par exemple. Le débat est ouvert.

Thibault 

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