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DJ Kayz : sa carrière, son univers musical, la création de compilation, la place d’un Dj, les showcases

DJ KAYZ

Actif depuis le début des années 2000, DJ Kayz s’est toujours positionné en tant que DJ de référence par rapport aux sonorités orientales. Rapidement le goût de la production lui est venu, considérant que c’est l’une des phases de l’évolution naturelle d’un DJ. Ainsi, après avoir mis en place son modèle économique, comprenant la résidence chez Skyrock et les nombreuses tournées, essentiellement au Maghreb, DJ Kayz a sorti l’un des projets les plus aboutis de sa carrière. En effet, « En Famille » réunit un panorama exhaustif de rappeur français allant de la découverte à l’artiste confirmé et ayant rencontré le succès. Kayz a également su trouver l’équilibre musical pour amener les rappeurs à faire des hits, sans dénaturer les univers. Ainsi, à l’occasion de la sortie de ce projet estival, Rapelite est parti à sa rencontre afin de revenir sur l’ensemble de sa carrière, le rôle du DJ en France, ses tournées, ses objectifs à venir mais surtout la réalisation de « En Famille » !

 

Interview réalisée par Thibault

 

Rapelite : T’as commencé à être DJ ou plutôt utiliser les platines à la fin des années 1990, début 2000, quel est l’élément déclencheur t’ayant poussé vers cette discipline ?

 

DJ Kayz : Il y avait les fêtes de quartier dans ma ville, organisée par un DJ populaire de ma ville, qui en organisait régulièrement. D’habitude, il prenait toujours un mec qui faisait le light jokey, c’est-à-dire ne pas gérer la musique mais les lumières et il s’avère qu’il était absent ce jour-là. Du coup, le fameux DJ m’a dit « Tiens, c’est toi qui vas venir avec moi ». C’était l’événement dans la ville. Je le voyais faire les lumières, les platines et direct je savais ce que je voulais faire. Par la suite, c’est mon frère qui m’a acheté ma première platine, je l’en remercie parce qu’à l’époque, c’était 5-6000 francs. Après, c’était au tour de la table de mixage, et on montait à Châtelet après l’école ou le week-end pour acheter des vinyles.

 

Rapelite : Rétrospectivement, vers quelle année t’es venu le goût de la production ?

 

DJ Kayz : Au début, c’était sur les K7, mon premier projet était sur ce format, en 2001. Ensuite, 2002, deuxième K7, et en 2003 je suis passé au format CD pour réaliser mon premier. On était essentiellement sur des faces B, Rn’B, Funk, à cette époque. Il y avait également les productions des gros titres US que nous reprenions, afin de faire poser des rappeurs français dessus. Mais de façon plus professionnelle, le goût de la production est arrivé vers 2006-2007.

 

Rapelite : En interview, tu avais dit que tu voulais être professeur d’histoire initialement à DJ ? 

 

DJ Kayz : C’est vrai que la passerelle est un peu bizarre mais j’ai eu mon BAC, j’ai fait deux ans d’études d’histoire, et par la suite j’en ai eu marre. Par la suite, j’ai eu un cursus un peu plus commercial, en passant un BTS. Mais déjà quand j’étais en FAC d’histoire, c’était à côté de Tours, il y avait des disquaires là-bas dans leur équivalent du quartier latin, et il vendait de la house et du rn’b, je prenais les vinyles pour faire mes petits scratchs. En fait j’ai toujours kiffé la musique, avant c’était les jeux-vidéos, mais d’un autre côté j’étais un passionné contraint de faire ses études malgré tout. Après cette période d’études, j’ai même été conseiller financier, et je faisais des soirées le week-end, quand on y arrivait. Avant, c’était très dur de mixer dans des clubs parisiens, il y avait pas le phénomène chicha d’aujourd’hui et il y avait des gros DJ en place tels que DJ Goldfinger, DJ Abdel, les places étaient précieuses.

 

Rapelite : Mais être passionné est une qualité lorsqu’on est un DJ, c’est inconcevable de se lancer dans ce domaine sans cette aptitude…

 

DJ Kayz : Ouais, il faut un minimum de passion et je me souviens que je faisais des nuits blanches avec tous mes vinyles, ma mère me voyait en train de scratcher la nuit, elle pensait que j’étais malade. Aujourd’hui, on en fait un peu moins parce qu’on s’est professionnalisés, à l’instar de l’industrie de la musique, on devient plus chef d’entreprise désormais.

 

Rapelite : Concernant les DJ en France, le public peut avoir l’impression que vous êtes moins bien exploités qu’aux Etats-Unis, puisque ces personnes sont de véritables influenceurs au moment où une nouveauté sort, comment expliquerais-tu ce fossé ?

 

DJ Kayz : J’ai l’impression qu’en France, il y a diverses périodes lorsque le phénomène David Guetta a dépassé les frontières, tout le monde voulait être DJ. A la base, le DJ, c’était vu comme le mec qui gèrait la musique dans les fêtes foraines, c’était dénigré. Mais la période David Guetta a permis de redonner une certaine place aux DJ, après il y a eu des périodes plus calmes mais Cut Killer et DJ Abdel sont arrivés. Dernièrement, DJ Snake a refait parler de l’importance du DJ en France. C’est aussi ce que certains artistes montraient du doigt sur le fait qu’il n’y ait pas beaucoup d’émissions spécialisées en radio, pour les DJ. Puis, il y a des nouvelles générations à éduquer par rapport à nôtre rôle. Je le vois aujourd’hui, en faisant des clips avec des artistes, et dans les commentaires, on peut tomber sur des « le DJ sert à quoi ? Il chante pas ». Le public peut se demander qui on est, ce qu’on a fait dans la musique, et leur expliquer ce qu’il y a à expliquer.

 

Rapelite : En parlant de radio, t’es DJ résident chez Skyrock depuis quelques années désormais, comment expliquerais-tu l’importance d’avoir une résidence dans une radio ? 

 

DJ Kayz : Cela reste un gros média national, qui nous permet de bénéficier d’une exposition que j’avais pas forcément. Avant, j’étais chez Beur FM, j’ai senti la différence de passer sur une radio nationale, et on fait 100-120 auditeurs au quart d’heure, ce qui est pas négligeable. Ca fait presque deux Stade de France qui t’écoutent. Au début, t’es super content mais après tu rentres dans une sorte de routine, et tu calcules pas trop. C’est motivant quand tu vois que ton émission fonctionne en plus, imagine t’es animateur et tes audiences chutent… Soit tu prends du recul et tu cherches ce qui va pas, soit t’es découragé. Big Up à Fred d’ailleurs.

 

Rapelite : Au final le modèle économique idéal d’un DJ serait d’avoir son émission radio, ses bookings combiné à de la production ?

 

DJ Kayz : Je pense que la production et les lives, c’est le nerf de la guerre, le cœur du poulet en termes de finances. Personnellement, mes revenus étaient principalement générés des tournées et des lives, maintenant je me consacre davantage à la production. Lorsque tu fréquentes un peu plus les studios, tu calcules moins la scène parce que c’est beaucoup plus passionnant en fait. Le studio, t’es dans la création et si t’arrives à populariser ta musique, l’entendre quelque part, un mardi soir à 21heures, avec tes potes, c’est gagné.

 

Rapelite : Concernant le projet « En Famille », je m’interrogeais déjà sur le titre, en voyant le nombre d’invités, cela représente une famille nombreuse…

 

DJ Kayz : J’avais des anciennes marques qui étaient des titres d’albums ou de compilations, comme « Paris – Oran – New York », je me prenais la tête pour trouver un nom parce que je voulais un titre fédérateur et qui pouvait me correspondre en même temps. La théière sur la pochette rappelle le côté oriental de DJ Kayz parce qu’aujourd’hui ce style musical n’a plus la même place qu’à l’époque des Raï’N’b Fever, popularisés 10 ans en arrière. La musique est cyclique donc il y aura quelques titres qui feront office de piqûres de rappel orientales. Avant, je m’étais essayé à l’afro, ça fonctionnait pas aussi bien que l’oriental.

 

Rapelite : Sur les artistes invités, comment les repères-tu sachant qu’il y a beaucoup de rappeur en devenir et plein de promesses sur « En Famille » ?

 

DJ Kayz : Je regarde toutes les nouveautés en rap français, et par exemple, RK, je l’avais découvert sur YouTube dans un Rentre Dans Le Cercle, et après je me suis retrouvé à Skyrock pour organiser un Hors-Série de Rentre Dans Le Cercle, et on s’est croisés là-bas. Ce genre d’opération comme les Rentre Dans Le Cercle, cela nous permet de voir des nouveaux talents, et les marques de rap déjà installées, on les connaît tous. Même sur les sites de rap, quand les mecs reviennent souvent, forcément tu te penches sur eux. Par exemple, Moha La Squale était tellement présent que t’es obligé d’écouter voir ce qu’il propose.

 

Rapelite : Lorsque tu regardes un clip d’un rappeur, est-ce que tu te dis « Je vais l’emmener dans telle direction artistique » ?

 

DJ Kayz : Les clips te permettent de te donner une première image de l’univers et avec l’expérience de DJ, je vois celui qui peut s’ouvrir mais ça fonctionne aussi dans l’autre sens pour ceux qui ne veulent pas forcément s’ouvrir.

 

Rapelite : Concernant les projets multi-artistes, à chaque fois que nous rencontrons des réalisateurs, tous reviennent sur la complexité de ramener les artistes aux bons moments à cause de leurs plannings, c’était le cas sur « En Famille » ?

 

DJ Kayz : Sur les plannings, c’est un peu difficile mais là où j’ai eu quelques difficultés, c’est qu’aujourd’hui les rappeurs sont très productifs. Ils sortent des projets, parfois plusieurs par an et je peux comprendre que cela passe en priorité par rapport aux miens. Cela m’arrive de faire pareil si je suis focus sur mon projet mais j’essaye de répondre à le requête par la suite, si on m’appelle à la rescousse. Fianso devait poser mais il avait ses projets en cours, Soolking, pareil, on devait faire mais cela se fera pour plus tard. Ils ont une stratégie à respecter étant donné que son album sort en fin d’année, et il a déjà fait quelques featurings. Sinon, je suis globalement satisfait du tracklisting, la plupart ont joué le jeu.

 

Rapelite : Je pensais que t’allais également parler de L’Algérino…

 

DJ Kayz : On a fait des projets ensemble par le passé mais au vu de son actualité, son hit « Va Bene ». Aujourd’hui si un DJ ramène une telle tête d’affiche, c’est pour essayer de faire un tube, et quoi qu’il arrive son tube 2018 sera « Va Bene », donc autant tenter avec un RK qui est en devenir, le titre Michto prend bien et c’est une nouvelle marque.

 

Rapelite : D’ailleurs sur le titre de RK ou « Mucha Guapa » par exemple, tu réussis à t’adapter à certains univers d’artistes estampillés rue, tout en les emmenant sur des terrains artistiques propices aux hits, c’était la ligne de conduite artistique de « En Famille » ?

 

DJ Kayz : Oui mais quand les artistes voient une collaboration avec DJ Kayz, ils pensent directement au club, showcase, et avoir un single pouvant donner une autre dimension à un show. On peut aller vers moi, en se disant, on va tenter des trucs, et ça reste des sons street, juste c’est un peu plus dansant.

 

Rapelite : Concernant la promotion du projet, j’ai l’impression que t’as envoyé tous les plus gros potentiels tubes avant la sortie, est-ce que c’est nécessaire de teaser ton projet avec un gros hit ?

 

DJ Kayz : Pas forcément,  ce qui s’est passé cette année, comme l’an dernier, c’est le Ramadan. Durant cette période, c’est très compliqué de clipper, et de nombreux artistes sont indisponibles. Après, on s’appelle l’hiver, et on fait notre musique à cette période. On doit s’adapter à ce genre de paramètre par rapport aux sorties de singles, pour le morceau avec Lartiste et Imen, on croyait beaucoup en lui. En plus, Lartiste vit au Maroc étant donné qu’on voulait clipper le titre là-bas, cela arrangeait tout le monde. Sinon, Naps, on devait clipper le featuring avec Sidiki Diabaté mais c’était compliqué à cette période. Surtout que Naps a rien sorti depuis un moment, ça aurait été un premier signal. Mais l’objectif reste d’alterner grosse marque et les artistes à en devenir. Il y a des publics différents sur mes projets, j’ai l’impression.

 

Rapelite : Mais tu as ce côté visionnaire, à travers tes différentes collaborations et certains artistes repérés très tôt. Cependant, au vu du nombre de titres, tu n’as pas peur que certains morceaux ne soient pas exploités à leur juste valeur ? Je pensais notamment à Jnouné, le titre entre Jul et Rim’K ?

 

DJ Kayz : J’ai souvent beaucoup de regrets, sur beaucoup de titres, mais ce qui se passe, en étant DJ, tu peux pas faire un album de 12 titres, tu te rapproches automatiquement de la vingtaine. Sur un an, tu peux pas donner son heure de gloire aux 20 titres, nécessitant certains décisions stratégiques. Pour « Jnouné », on est une équipe, il y a une maison de disque, des médias qui demandent à ce que tel titre soit exploité. A l’époque le média en question voulait « Du Swagg », la collaboration entre H-Magnum et Maître Gims alors que j’adorais « Jnouné ». Ceci dit « Jnouné » était rentré en playlist en septembre, chez Skyrock, deux mois, mais c’était à passage de 5-6 diffusions par jour. C’était une grosse connexion à la fois et en même temps, Jul était très pris, il y avait plein de polémiques autour de lui avec « Briganté ». Mais, on avait mis l’accent sur un autre titre que j’ai fait avec lui « Fidèle à ma team ».

 

Rapelite : Comment tu réfléchis pour te dire je vais mettre tel artiste et tel artiste ensemble sur le même morceau ?

 

DJ Kayz : Par exemple le Naps et Sidiki Diabaté, tu vas te dire que le mélange est improbable. Pour l’histoire de ce titre, j’avais la production, on avait Sidiki sous la main puisqu’il avait fait son morceau avec Sadek. J’en ai profité pour lui faire écouter la prod, il m’a fait un refrain, que je trouvais super fort, et avec ce rendu, je voyais parfaitement Naps dessus. En revanche, j’ai pas eu les deux artistes dans le même studio, mais la plupart des titres se sont faits ensemble.

 

Rapelite : Sans rentrer dans les détails, tu considères que le Maghreb est désormais devenu le gros de ton business ?

 

DJ Kayz : Pas uniquement, mais leur force est importante et on essaye toujours de la représenter parce que c’est aussi grâce à eux qu’on s’est fait connaître. Aujourd’hui, on vise plus la France. Mais il y a un engouement rare autour de notre musique de la part du Maghreb, ça se retranscrit à travers les vidéos YouTube, désormais t’as énormément de commentaires écrits en arabe. Par exemple L’Algerino va sortir un titre, tu auras un millier de commentaires en arabe, ce qu’il n’y avait pas avant. Ce qui est positif reste que la musique urbaine commence à prendre sa place au Maroc et en Algérie, lorsque j’allais à Oran, dix ans en arrière, ils écoutaient principalement de la musique électronique, et il y a deux mois, à Oran, que des locaux, et je m’étais cru en France, ils connaissaient les titres par cœur, même certains assez obscurs.

 

Rapelite : D’ailleurs cette économie soulève un point intéressant par rapport au streaming, et au moment où il sera davantage développé, penses-tu que cela pourra donner une autre dimension au rap français à l’échelle mondiale ?

 

DJ Kayz : Et même en Afrique, de façon plus générale, mais il va falloir quelques années avant que cela se mettre bien en place et qu’ils prennent le réflexe. Déjà, au Maroc, ils commencent un peu à avoir le réflexe au Maroc. D’ailleurs, cela commencera par le Maroc, et tout s’enchaînera avec L’Algérie et la Tunisie. J’espère encore être là quand ce moment arrivera.

 

Rapelite : Pour cet été, en termes de planning, toi qui tournes beaucoup, tout est déjà rempli niveau dates ?

 

DJ Kayz : L’été dernier, j’ai dû faire 40 dates sans sortir de projet, à partir du 15- 20 Juillet jusqu’à fin août, c’était du non-stop. Entre l’avion, les nuits blanches, il te faut au moins deux, trois mois pour récupérer, c’est usant. Cette année, il y a encore beaucoup de demande, on est des incontournables de l’été.

 

Rapelite : Paradoxalement, tu tournes beaucoup au Maghreb, à la période où il y a également le plus de français dans ces pays…

 

DJ Kayz : Si tu veux les patrons de discothèque et organisateurs de soirées sont conscients qu’il y a énormément de touristes donc ils vont programmer les artistes que cette population a envie d’entendre. Leur but est de ramener le plus de monde et gagner le plus d’argent donc ils s’adaptent à la demande. Mais les rappeurs sont devenus des vrais concurrents des Djs, ce qui n’était pas le cas avant.

 

Rapelite : Tu jettes un œil sur les scènes rap locales ?

 

DJ Kayz : Non, il y a des périodes où j’ai regardé mais je sais qu’en ce moment, au Maroc, il se passe vraiment quelque chose, avec des artistes très très talentueux. Même la dernière fois, j’étais avec Soolking qui me faisait écouter des rappeurs algériens, il m’a dit qu’ils étaient là depuis longtemps en plus.

 

Rapelite : Un dernier truc à rajouter ?

 

DJ Kayz : Je vois que Nadjer (ndlr : son attaché presse) bouge beaucoup et qu’il a la bougeotte.

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